Le Seigneur des anneaux : la communauté de l’anneau, de Peter Jackson * *
Trois anneaux pour les rois Elfes sous le Ciel.
Sept pour les Seigneurs Nains dans leurs demeures de pierre.
Neuf pour les Hommes mortels voués au trépas.
Un pour le Seigneur des ténèbres sur son sombre trône,
Dans le pays de Mordor où s’étendent les ombres.
Un anneau pour les gouverner tous. Un anneau pour les trouver.
Un anneau pour les amener tous et dans les ténèbres les lier…
L’anneau du Seigneur des ténèbres, vaincu par les Hommes et les Elfes, s’est perdu au lieu d’être détruit. Or le Seigneur survit à travers son anneau, qui fait partie intégrante de lui. L’Anneau de Pouvoir a une volonté propre. Il rend puissant son porteur, mais le ronge et le porte vers le mal. Hommes, Elfes et Nains doivent le retrouver et le détruire, avant que l’emprise du Seigneur des Ténèbres ne s’étende à nouveau sur le monde…
Or l’anneau, chose imprévisible, est tombé entre les mains d’une race négligée, la moins ambitieuse de toute la Terre, pour laquelle le bonheur consiste à vivre caché, dans une région verdoyante (la Comté), à faire six repas par jour et à fumer la pipe. Une race d’êtres petits, poilus, casaniers et trouillards, et par conséquent très résistants au pouvoir de l’Anneau : les Hobbits. Un quatuor de jeunes gaillards qui n’avaient jamais quitté leur village va donc laisser derrière lui la Comté et traverser, pour détruire l’anneau, les forêts, les montagnes et les déserts de la Terre du Milieu…
Ce résumé est un peu long, je vous en demande pardon. C’est que, désormais bien connue en France, mais sous-estimée encore du point de vue littéraire, la gigantesque épopée de J.R.R. Tolkien est une des œuvres les plus riches et les plus admirables du siècle dernier. Absolument. Et le projet de Peter Jackson d’adapter la totalité du Seigneur des anneaux en une trilogie dont La Communauté de l’anneau est le premier volet (la suite à Noël 2002 et Noël 2003) a le double mérite de réjouir Olivier Boraz, et de témoigner que le cinéaste néo-zélandais a manifestement fondu un plomb.
Du coup, nous avons eu droit, pour les fêtes de fin d’année, à un grand match Harry Potter / Seigneur des anneaux, avec dans les deux cas la Warner derrière (en l’occurrence via sa filiale New Line d’acquisition récente). Si littérairement il n’y a pas photo, cinématographiquement ça se discute. Le film de Peter Jackson est bien entendu d’une autre trempe que celui de Chris Columbus (à la mesure de la différence générale de niveau entre l’auteur de Maman, j’ai raté l’avion et celui de Créatures célestes), mais il n’est pas exempt de défauts, dont le moindre n’est pas un certain pompiérisme.
Tolkien fait de la littérature bien de son époque, post-moderne si l’on veut ; il est conscient d’un certain nombre de modèles, et travaille sur un fonds mythique qu’il n’a pas inventé, et qui pour lui relève de la culture, et lui est en quelque sorte extérieur. Son génie est de tout refonder, de parvenir à faire croire à son lecteur que tout est nouveau, tout d’abord en inventant un monde romanesque d’une complexité jamais égalée (avec cartes, langues, comput historique s’étendant sur dix mille ans), ensuite (et surtout) en faisant œuvre de grand styliste, voire de poète, ménageant une douce transition entre l’humour tout britannique qui accompagne la description du monde des Hobbits (eux-mêmes satire évidente de l’Anglais moyen), et la ferveur épique de la fin. Peter Jackson n’a cure de ces nuances, commence fortissimo (dévoilant ainsi trop tôt le visage du Mal, regrettable erreur dramaturgique), et continue de même, se pliant aux exigences du cinéma d’action contemporain (pas le temps de respirer). Il en résulte ce rythme égal qui a le mérite de plaire un peu dans toutes les régions du monde, mais qui a du mal à susciter notre enthousiasme. Il y a eu toutefois bien pire, et il serait méchant d’écraser le cinéaste sous l’ombre de l’écrivain. On pourrait rêver, paradoxalement, d’un Seigneur des anneaux moins spectaculaire, dont les couleurs seraient moins ostensiblement travaillées, le folklore moins souligné… l’imagination de Tolkien n’a nul besoin d’être appuyée, tellement elle est puissante, et le vrai travail du cinéaste devrait être de souligner la valeur humaine de l’œuvre originale… Peter Jackson y parvient toutefois par moments, notamment en s’appuyant sur ses acteurs. Il était délicat de donner vie à des personnages parfois mythiques pour le lecteur ; Elijah Wood et ses camarades ont toute la candide fragilité des Hobbits ; Orlando Bloom, Liv Tyler et Cate Blanchett toute la divine mélancolie des Elfes, ces êtres supérieurs dont la supériorité consiste à savoir qu’ils ont fait leur temps et doivent s’effacer (à méditer…). Grâce à eux, on attend avec fidélité la seconde partie, pour dans un an…
Article paru dans le numéro 93 du Petit Spectateur – papier (février 2002)
Titre original : The Lord of the rings : The Fellowship of the ring
Durée : 2h58
Date de sortie : 19 Décembre 2001
Scénario : Peter Jackson, Fran Walsh, Philippa Boyens
D’après le roman de : John Ronald Reuel Tolkien
Première assistante : Carolynne Cunningham
Production : Peter Jackson, Barrie M. Osborne, Tim Sanders, Fran Walsh, Bob Weinstein, Harvey Weinstein
Direction artistique : Grant Major, Alan Lee
Photographie : Andrew Lesnie
Son : David Farmer
Montage : John Gilbert
Effets visuels : Jim Rygiel
Musique : Howard Shore
Sauron : Sala Baker
Boromir : Sean Bean
Galadriel : Cate Blanchett
Legolas : Orlando Bloom
Peregrïn Touque : Billy Boyd
Bilbon Sacquet : Ian Holm
Saroumane : Christopher Lee
Gandalf : Ian McKellen
Meriadoc Brandebouc : Dominic Monaghan
Aragorn : Viggo Mortensen
Gimli : John Rhys-Davies
Gollum : Andy Serkis
Arwen : Liv Tyler
Elrond : Hugo Weaving
Frodon Sacquet : Elijah Wood
Albert Dreary : Peter Jackson
L’ancien Roi : Alan Lee
Sept pour les Seigneurs Nains dans leurs demeures de pierre.
Neuf pour les Hommes mortels voués au trépas.
Un pour le Seigneur des ténèbres sur son sombre trône,
Dans le pays de Mordor où s’étendent les ombres.
Un anneau pour les gouverner tous. Un anneau pour les trouver.
Un anneau pour les amener tous et dans les ténèbres les lier…
L’anneau du Seigneur des ténèbres, vaincu par les Hommes et les Elfes, s’est perdu au lieu d’être détruit. Or le Seigneur survit à travers son anneau, qui fait partie intégrante de lui. L’Anneau de Pouvoir a une volonté propre. Il rend puissant son porteur, mais le ronge et le porte vers le mal. Hommes, Elfes et Nains doivent le retrouver et le détruire, avant que l’emprise du Seigneur des Ténèbres ne s’étende à nouveau sur le monde…
Or l’anneau, chose imprévisible, est tombé entre les mains d’une race négligée, la moins ambitieuse de toute la Terre, pour laquelle le bonheur consiste à vivre caché, dans une région verdoyante (la Comté), à faire six repas par jour et à fumer la pipe. Une race d’êtres petits, poilus, casaniers et trouillards, et par conséquent très résistants au pouvoir de l’Anneau : les Hobbits. Un quatuor de jeunes gaillards qui n’avaient jamais quitté leur village va donc laisser derrière lui la Comté et traverser, pour détruire l’anneau, les forêts, les montagnes et les déserts de la Terre du Milieu…
Ce résumé est un peu long, je vous en demande pardon. C’est que, désormais bien connue en France, mais sous-estimée encore du point de vue littéraire, la gigantesque épopée de J.R.R. Tolkien est une des œuvres les plus riches et les plus admirables du siècle dernier. Absolument. Et le projet de Peter Jackson d’adapter la totalité du Seigneur des anneaux en une trilogie dont La Communauté de l’anneau est le premier volet (la suite à Noël 2002 et Noël 2003) a le double mérite de réjouir Olivier Boraz, et de témoigner que le cinéaste néo-zélandais a manifestement fondu un plomb.
Du coup, nous avons eu droit, pour les fêtes de fin d’année, à un grand match Harry Potter / Seigneur des anneaux, avec dans les deux cas la Warner derrière (en l’occurrence via sa filiale New Line d’acquisition récente). Si littérairement il n’y a pas photo, cinématographiquement ça se discute. Le film de Peter Jackson est bien entendu d’une autre trempe que celui de Chris Columbus (à la mesure de la différence générale de niveau entre l’auteur de Maman, j’ai raté l’avion et celui de Créatures célestes), mais il n’est pas exempt de défauts, dont le moindre n’est pas un certain pompiérisme.
Tolkien fait de la littérature bien de son époque, post-moderne si l’on veut ; il est conscient d’un certain nombre de modèles, et travaille sur un fonds mythique qu’il n’a pas inventé, et qui pour lui relève de la culture, et lui est en quelque sorte extérieur. Son génie est de tout refonder, de parvenir à faire croire à son lecteur que tout est nouveau, tout d’abord en inventant un monde romanesque d’une complexité jamais égalée (avec cartes, langues, comput historique s’étendant sur dix mille ans), ensuite (et surtout) en faisant œuvre de grand styliste, voire de poète, ménageant une douce transition entre l’humour tout britannique qui accompagne la description du monde des Hobbits (eux-mêmes satire évidente de l’Anglais moyen), et la ferveur épique de la fin. Peter Jackson n’a cure de ces nuances, commence fortissimo (dévoilant ainsi trop tôt le visage du Mal, regrettable erreur dramaturgique), et continue de même, se pliant aux exigences du cinéma d’action contemporain (pas le temps de respirer). Il en résulte ce rythme égal qui a le mérite de plaire un peu dans toutes les régions du monde, mais qui a du mal à susciter notre enthousiasme. Il y a eu toutefois bien pire, et il serait méchant d’écraser le cinéaste sous l’ombre de l’écrivain. On pourrait rêver, paradoxalement, d’un Seigneur des anneaux moins spectaculaire, dont les couleurs seraient moins ostensiblement travaillées, le folklore moins souligné… l’imagination de Tolkien n’a nul besoin d’être appuyée, tellement elle est puissante, et le vrai travail du cinéaste devrait être de souligner la valeur humaine de l’œuvre originale… Peter Jackson y parvient toutefois par moments, notamment en s’appuyant sur ses acteurs. Il était délicat de donner vie à des personnages parfois mythiques pour le lecteur ; Elijah Wood et ses camarades ont toute la candide fragilité des Hobbits ; Orlando Bloom, Liv Tyler et Cate Blanchett toute la divine mélancolie des Elfes, ces êtres supérieurs dont la supériorité consiste à savoir qu’ils ont fait leur temps et doivent s’effacer (à méditer…). Grâce à eux, on attend avec fidélité la seconde partie, pour dans un an…
Article paru dans le numéro 93 du Petit Spectateur – papier (février 2002)
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- LIENS INTERNET
- FICHE TECHNIQUE
Titre original : The Lord of the rings : The Fellowship of the ring
Durée : 2h58
Date de sortie : 19 Décembre 2001
Scénario : Peter Jackson, Fran Walsh, Philippa Boyens
D’après le roman de : John Ronald Reuel Tolkien
Première assistante : Carolynne Cunningham
Production : Peter Jackson, Barrie M. Osborne, Tim Sanders, Fran Walsh, Bob Weinstein, Harvey Weinstein
Direction artistique : Grant Major, Alan Lee
Photographie : Andrew Lesnie
Son : David Farmer
Montage : John Gilbert
Effets visuels : Jim Rygiel
Musique : Howard Shore
- DISTRIBUTION
Sauron : Sala Baker
Boromir : Sean Bean
Galadriel : Cate Blanchett
Legolas : Orlando Bloom
Peregrïn Touque : Billy Boyd
Bilbon Sacquet : Ian Holm
Saroumane : Christopher Lee
Gandalf : Ian McKellen
Meriadoc Brandebouc : Dominic Monaghan
Aragorn : Viggo Mortensen
Gimli : John Rhys-Davies
Gollum : Andy Serkis
Arwen : Liv Tyler
Elrond : Hugo Weaving
Frodon Sacquet : Elijah Wood
Albert Dreary : Peter Jackson
L’ancien Roi : Alan Lee
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