Robert Altman (1925-2006)

Révélé sur le tard par M.A.S.H. qui remporta un prix cannois, Robert Altman n’a cessé de dénoncer les vices de la société américaine et de l’être humain en général, dans des films en prise avec leur époque, témoins à la fois de sa virtuosité et de sa misanthropie. Il est mort le 20 novembre 2006.

Journaliste improvisé pendant la seconde guerre mondiale, Robert Altman travaille pour la radio puis crée, dans les années 1950, une société de production de courts-métrages documentaires. Amené à réaliser un film d’hommage à James Dean, il entre alors à la télévision où il dirige un grand nombre d’épisodes de séries télévisées. A la fin des années 1960, il réalise ses premiers longs métrages. C’est le troisième, M.A.S.H., chronique déjantée d’un hôpital militaire qui, en évoquant la guerre de Corée, attaque implicitement la présence américaine au Vietnam, qui lui vaut la reconnaissance internationale et le Grand prix du Festival de Cannes.

Altman s’illustre alors dans des genres divers, du western (John McCabe) au polar adapté de Raymond Chandler (Le Privé), mais en les prenant à contre-pied par l’adoption d’un rythme cotonneux et anti-narratif : par sa nonchalance, Le Privé, où Philip Marlowe est interprété par un Elliot Gould chevelu et mal rasé, a fait sortir de leurs gonds les inconditionnels du film noir d’antan. Le détournement des genres s’alliait d’ailleurs systématiquement à une féroce charge satirique aux dépens d’une société qu’Altman représentait avec une très grande recherche de réalisme. Cinéaste brillant jusque dans la fausse improvisation, il livre alors, sans se lasser, une fresque permanente et effarante de l’humanité moyenne. De plus en plus, il fait se croiser de nombreux personnages : il est l’un des maîtres de ce que l’on appelle désormais le « film choral ».

Suite à l’expérience de Popeye, qui ne satisfait ni ses admirateurs, ni les studios Disney qui lui ont commandé le film, les années 1980 sont une période creuse qu’Altman consacre notamment à des travaux pour la télévision. Il est à nouveau célébré dans les années 1990, suite aux succès consécutifs de The Player, féroce satire de Hollywood où il fait montre d’un ironique brio formel, et de Short cuts, film choral inspiré d’une série de nouvelles de Raymond Carver.

On peut regretter que la misanthropie d’Altman le porte trop souvent à se désintéresser de ses personnages, ou à les dénoncer par une mise en scène dont l’humour tourne parfois à l’aigreur : le refus de peindre autre chose qu’un milieu effectivement détestable l’amène ainsi au ratage complet de Prêt-à-porter. En 1999 cependant, Cookie’s fortune révèle une autre face d’Altman, une tendresse probablement désespérée de n’avoir guère d’objets sur qui se porter, la face cachée du cynisme qu’il s’est peut-être un peu trop obstiné à afficher durant toute sa carrière. L’inspiration se fait ouvertement fordienne (l’un des meilleurs gags du film est une allusion au Fils du désert) — ou renoirienne : Gosford Park est une variation sur La Règle du jeu.

Quelques jours avant la mort de Robert Altman, le distributeur français de son dernier film, A prairie home companion, décidait de le retitrer pour l’exploitation française The Last show

Etienne Mahieux


  • FILMOGRAPHIE SELECTIVE
2006 The last show
2003 The Company
2001 Gosford Park
2000 Dr. T et les femmes
1999 Cookie’s fortune
1998 The Gingerbread man
1996 Kansas City
1994 Prêt-à-porter
1993 Short cuts
1992 The Player
1990 Vincent et Théo
1987 O.C. and Striggs
Beyond Therapy
1985 Fool for love
1984 Secret honor
1983 Streamers
1982 Reviens, Jimmy Dean, reviens
1980 Popeye
1979 Un Couple parfait
Quintet
1978 Un mariage
1977 Trois femmes
1976 Buffalo Bill et les Indiens
1975 Nashville
1974 California split
Nous sommes tous des voleurs
1973 Le Privé
1972 Images
1971 John MacCabe
1970 M.A.S.H.
Brewste McCloud
1969 That cold day in the park
1968 Countdown

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