Comment j’ai tué mon père, d'Anne Fontaine * * * *

C’est un film onirique que nous offre Anne Fontaine, avec un sujet plus que mince, le retour du père après 20 ans d’absence « je croyais que tu étais mort » lui dit froidement son fils, Jean-Luc (Charles Berling), et une densité émotionnelle très forte.

Le film tourne autour du personnage central, le père, un Michel Bouquet étrange d’abord, puis de plus en plus attachant. Que vient-il faire à Versailles où une fête est donnée en l’honneur de Jean-Luc, chef de clinique spécialisée en gérontologie, homme « arrivé » avec immense deumeure, parc, piscine et belle femme (Natacha Régnier), chauffeur aussi : son propre frère (Stéphane Guillon) qui s’essaye dans le one-man show. Clown triste accroché à son frère comme à une bouée de sauvetage.

L’arrivée du père, qui après un long séjour en Afrique , revient sans un sou en poche, va semer le trouble dans ce monde bien lisse et bien terne mais sécurisant : Jean-luc gagne beaucoup d’argent . Il a une maitresse (Amira Casar), faute de relation avec sa propre femme qui reçoit parfaitement la bourgeoisie versaillaise. Le frère, un peu raté, se sent protégé. Michel Bouquet arrive sans cravate, signe pour Jean-Luc qu’il est un raté lui aussi. Il lui en offrira une d’ailleurs, un peu plus tard. « Tu as honte de ton père ? » lui demande Bouquet, caustique.

Troublé, Jean-luc l’est à la vue de son père perdu dans la foule, et tandis qu’avec difficulté il continue à débiter un discours convenu, son visage se ferme, et son regard s’aiguise. Il ressemble alors à un serpent prêt à piquer. Mais que craint-il au juste ? Que son père lui demande de l’argent ? Quand, excédé par sa présence chez lui, il lui signe un gros chèque pour s’en débarrasser, le père le déchire. Un retour d’affection ? « un père n’est pas obligé d’aimer son fils » lui lance-t-il, indifférent. Le grain de sable qui enraye la machine, en l’occurrence une vie bien pleine et très vide ? Peut-être… Le film d’Anne Fontaine reste ambigü sur ce point, elle ne va pas au fin fond de la psychologie de ses personnages ; et elle a bien raison. Tout être possède une complexité qu’il serait vain et artificiel de vouloir mettre à plat. Elle garde une certaine distance, qu’on ne peut franchir, comme dans le paradoxe de Zénon d’Elée.

De même que les personnages gardent leur opacité, les regards se font lourds, longs, pesants, interrogatifs. La diction aussi du père est lente. On se sent englué dans un rêve, ou dans un cauchemar. Le fils dit du père : « Quand il se tait, c’est de la glace. Il vous juge tranquillement jusqu’à l’os ». Le père dit à son fils : « Tu n’es qu’un petit bonhomme sec et rétréci ». Ce n’est que vers la fin du film, quand Jean-Luc entrevoit par une fenêtre son père et un ami africain (qui s’avère être lui aussi un grand médecin que Bouquet a pris sous son aile) que la jalousie, la frustration et la violence vont exploser.

Les acteurs sont tous brillants : Charles Berling en bourgeois méprisant et inquiet, Michel Bouquet en révélateur au sens photographique du terme, Natacha Régnier en femme frustrée, avide d’affection et Stéphane Guillon, être fragile et que le père poussera à la révolte.

Reste ce titre, qui pour moi reste un mystère. Mais tuer le père, dans son sens freudien, n’est-il pas une façon de s’affranchir, de tourner la page et d’avancer ?


Françoise Balazard


  • BANDE ANNONCE


  • FICHE TECHNIQUE
Pays : France
Durée : 1h40
Date de sortie : 19 septembre 2001
Réalisation : Anne Fontaine
Ecriture : Jacques Fieschi, Anne Fontaine
Production : Philippe Carcassonne
Montage : Guy Lecorne
Photographie : Jean-Marc Fabre
Musique : Jocelyn Pook
Costumes : Corinne Jorry
Décors : Joël Lavrut
Casting : Stéphane Foenkinos
Maquillage/coiffure : Franck-Pascal Alquinet, Thi Thanh Tu Nguyen, Thi-Loan Nguyen
Chef décoration : Sylvain Chauvelot
Assistant réalisation : Daniel Marchaudon, Laurent Perreau, Thierry Verrier
Son : Nicolas Cantin (assistant), Pascal Chauvin (montage effets sonores), Pascal Dedeye (montage effets sonores), Roman Dymny (assistant monteur), Geoff Foster (enregistrement musique), Dominique Gaborieau (mixeur), Dimitri Haulet (assistant), Jean-Claude Laureux, Patrick Sevérac (post-synchronisation), Francis Wargnier (monteur)
Effets spéciaux : Philippe Teissier

  • DISTRIBUTION
Maurice : Michel Bouquet
Jean-Luc : Charles Berling
Isa : Natacha Régnier
Patrick : Stéphane Guillon
Myriem : Amira Casar
Jean-Toussaint : Hubert Koundé
Laetitia : Karole Rocher
un patient : François Berléand
une patiente : Nicole Evans
la prostituée : Marie Micla
le père d'Isa : Pierre Londiche
le patient âgé : Philippe Lehembre
le manager : Emanuel Booz
le fils de Myriem : Etienne Louvet
Magali : Nathalie Mathis

Partager cet Article:

Facebook Twitter Technorati digg Stumble Delicious MySpace Yahoo Google Reddit Mixx LinkedIN FriendFeed

Blogger

Soyez le premier à commenter cet article !

Enregistrer un commentaire