Mathieu Amalric, par hasard

Présent au Festival de Cannes 2007 à la fois dans Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel (Sélection officielle), Le Rêve de la nuit d’avant de Valeria Bruni-Tedeschi (Un Certain regard) et La Question humaine de Nicolas Klotz (à la Quinzaine des Réalisateurs), Mathieu Amalric est devenu l’un des acteurs les plus importants du cinéma français. A quoi ça tient, parfois…

Fils des journalistes Jacques Amalric et Nicole Zand, enfant de Neuilly et khâgneux, Mathieu Amalric ne se destinait pas à la carrière d’acteur. Une apparition dans Les Favoris de la lune de Otar Iosseliani le détermine cependant à travailler dans le cinéma : il devient assistant — il est stagiaire sur Au revoir les enfants de Louis Malle (1987) — et même cantinier. Il sait toutefois faire naître, chez les cinéastes qui l’emploient, le désir de le filmer. Outre Otar Iosseliani, qui lui donne régulièrement des petits rôles, Arnaud Desplechin, qui avait déjà fait passer son condisciple Emmanuel Salinger devant la caméra, lui fait tourner la scène de la dissection dans La Sentinelle, avant de lui confier le rôle principal de Comment je me suis disputé…, qui le révèle et lui vaut son premier César, celui du meilleur espoir. L’Histoire aimant repasser les plats, il obtiendra celui du meilleur acteur pour Rois et reines.

Dans Comment je me suis disputé…, Mathieu Amalric impose une étonnante dégaine d’anti-héros, une bouille ébouriffée, lunaire, une présence évidente et naturelle qui donnent un poids immédiat aux situations parfois loufoques où le place Desplechin. La force essentielle d’Amalric acteur, inentamée dix ans plus tard, est d’avoir toujours l’air de tomber de la lune, d’être là par hasard, d’incarner le personnage parce qu’il faut bien que quelqu’un le fasse. Mathieu Amalric est entré en poussant la porte, c’est le voisin d’en face, le beau-frère immédiat du spectateur. On l’a toujours connu, ou du moins on voudrait le connaître mieux. Comme il est chargé de cours à l’Université dans Comment je me suis disputé…, son emploi fut tout de suite fixé dans les films où il tient le rôle principal : jusqu’au Scaphandre et le papillon inclus (où il rédige en chef Elle), il est l’Intellectuel Parisien — ses rôles sont souvent beaucoup plus variés lorsqu’ils sont secondaires. C’est que Mathieu Amalric est de taille à faire sympathiser un spectateur charentais aux fortes racines paysannes avec un intellectuel parisien. Il travaille avec des auteurs souvent exigeants, régulièrement issus (Serge Le Péron, Olivier Assayas, Jean-Henri Roger, Luc Moullet) de la mouvance des Cahiers du cinéma, et fut souvent associé à l’écran à Jeanne Balibar (qui partageait alors sa vie) en un couple souvent drolatique, notamment dans le très beau Fin août, début septembre d’Olivier Assayas.

Dans Le Scaphandre et le papillon, Mathieu Amalric est d’abord, pour le spectateur, une voix off, en raison du dispositif en caméra subjective imposé, au début du film, par Julian Schnabel. On y retrouve sa qualité d’étonnement presque kafkaïenne : se réveillant à l’hôpital, son Jean-Dominique Bauby tâche de comprendre ce qui se passe, sans dramatiser, de même que le Gregor Samsa de La Métamorphose ne se rendait pas compte qu’il était devenu un insecte. Lorsque le point de vue change, on découvre Amalric défiguré, en quadragénaire grabataire, instantanément et définitivement crédible, dans ce qui est évidemment, y compris sur le plan technique, une performance d’acteur. Doté désormais de l’expérience d’un grand professionnel sans avoir rien perdu de sa fraîcheur, Mathieu Amalric a tous les atouts pour nous étonner encore.

Etienne Mahieux

  • FILMOGRAPHIE SELECTIVE - Comédien
2007
Michou d’Auber de Thomas Gilou
Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel

2006
Marie-Antoinette de Sofia Coppola
Quand j’étais chanteur de Xavier Giannoli
Fragments sur la grâce de Vincent Dieutre
Le Grand appartement de Pascal Thomas

2005
Munich de Steven Spielberg
La Moustache de Emmanuel Carrère
J’ai vu tuer Ben Barka de Serge Le Péron

2004
Rois et reines de Arnaud Desplechin
Le Pont des arts de Eugène Green

2003
Un homme, un vrai de Arnaud et Jean-Marie Larrieu
Inquiétudes de Gilles Bourdos
Mes enfants ne sont pas comme les autres de Denis Dercourt

2002
Lundi matin de Otar Iosseliani
Les Naufragés de la D17 de Luc Moullet
C’est le bouquet ! de Jeanne Labrune
Lulu de Jean-Henri Roger

2001
Zaïde, un petit air de vengeance de Josée Dayan (TV)
Amour d’enfance de Yves Caumon

2000
La Fausse suivante de Benoît Jacquot
L’Affaire Marcorelle de Serge Le Péron
La Brèche de Roland de Arnaud et Jean-Marie Larrieu

1999
Trois ponts sur la rivière de Jean-Claude Biette (avec J.B.)
Adieu, plancher des vaches ! de Otar Iosseliani

1998
Dieu seul me voit de Bruno Podalydès
Fin août, début septembre de Olivier Assayas
Alice et Martin de André Téchiné
On a très peu d’amis de Sylvain Monod

1997
Généalogies d’un crime de Raùl Ruiz

1996
Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) de Arnaud Desplechin
Le Journal du séducteur de Danièle Dubroux

1995
Tom est tout seul de Fabien Onteniente

1994
Lettre pour L… de Romain Goupil

1992
La Sentinelle de Arnaud Desplechin
La Chasse aux papillons de Otar Iosseliani

1984
Les Favoris de la lune de Otar Iosseliani

  • FILMOGRAPHIE SELECTIVE - Cinéaste (longs-métrages)
2003
La Chose publique (téléfilm)

2001
Le Stade de Wimbledon

1997
Mange ta soupe

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