Parlez-moi de la pluie, de Agnès Jaoui * * *
Le troisième film d’Agnès Jaoui est une œuvre fragile et pas totalement réussie, mais que l’on a envie de défendre, en raison de la recherche touchante qui s’y fait jour, et de l’évolution passionnante qu’elle annonce dans le cinéma de l’auteur du Goût des autres.
Encore une fois, Agnès Jaoui parle d’art, ici sur un mode dérisoire et réjouissant. Au cœur de Parlez-moi de la pluie se trouve un projet de documentaire qui doit s’inscrire dans une série sur « Les femmes qui ont réussi ». Aspirant cinéaste qui gagne sa vie comme réceptionniste d’hôtel, Karim Latrèche se propose de consacrer un film à Agathe Villanova, auteur d’essais féministes à succès qui se lance en politique, et obtient l’assistance technique d’un reporter chevronné, Michel Ronsard. Mais Karim nourrit une certaine aigreur à l’égard d’Agathe, et traîne quelque peu les pieds ; quant à Michel, sa fameuse expérience semble avoir disparu sans laisser de traces, et le tournage se transforme peu à peu en naufrage.
Au début de Parlez-moi de la pluie, Agnès Jaoui installe ses personnages deux par deux dans l’écrin élégant du cinémascope, chaque scène étant, selon la méthode éprouvée qu’elle et Jean-Pierre Bacri ont développée depuis Cuisine et dépendances, l’occasion de découvrir de nouvelles facettes des personnages, dans la diversité de leurs interactions. On a toutefois l’impression que le système ronronne un peu et un bon nombre de révélations se voient venir de loin.
A vrai dire, la personnalité d’Agnès Jaoui cinéaste s’exprime bien mieux en dehors de ce cadre, ce que révélait le magique dernier plan du Goût des autres. L’effondrement progressif de Michel et Agathe partageant une cigarette conique, la révélation subite de la liaison entre Florence et Michel, amenée par un geste impulsif et non par une scène dialoguée, voilà son vrai terrain. Son talent est d’observer les acteurs, toujours à leur meilleur ici quand on ne les sent pas cadrés par la dramaturgie. Le personnage le plus touchant du film est ainsi celui de Mimouna, la mère de Karim, auquel la non-professionnelle Mimouna Hadji apporte une étonnante et tendre authenticité qui en fait le porte-parole effacé de toute une génération : c’est elle qui incarne vraiment, dans le film, le combat social et politique qui fait déplacer beaucoup d’air à Agathe.
Le titre, emprunté à Brassens et maintes fois justifié par le film, notamment au cours d’un orage épique sur les pentes du Lubéron, confirme la filiation maintes fois ressentie entre Agnès Jaoui et Claude Sautet, qui aimait tant lui-même à mouiller ses personnages, comme une incarnation visuelle de leurs difficultés.
Donc, voilà : Agnès Jaoui cinéaste semble être l’ennemie d’Agnès Jaoui scénariste, sauf que… pas tout à fait. Cette façon de tirer à hue et à dia rend bancale et un peu morne la première moitié du film mais, une fois l’exposition terminée, le « système » Bacri/Jaoui desserre ses réseaux. Alors que l’intrigue, au bout du compte, n’avance pas, de plus en plus de scènes sont consacrées à une étude de comportement, transformant le film en carnet de notes un peu frustrant mais inattendu, plus souvent juste que drôle, et le cas échéant, drôle parce que juste : les mots d’auteur pompettes à la Un air de famille ont disparu ; le théâtre, sa dramaturgie chorale et ses joutes verbales disparaissent peu à peu du film et laissent la place au cinéma, compromettant l’équilibre de l’ensemble mais lui donnant, en retour, une allègre dynamique.
Durée : 1h38
Date de sortie : 17 septembre 2008
Scénario : Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui
Assistant réalisateur : Antoine Garceau
Production : Jean-Philippe Andraca, Christian Bérard
Décors : Christian Marti
Photographie : David Quesemand
Son : Jean-Pierre Duret, Nadine Muse, Gérard Lamps
Montage : François Gédigier
Michel Ronsard : Jean-Pierre Bacri
Agathe Villanova : Agnès Jaoui
Florence : Pascale Arbillot
Mimouna : Mimouna Hadji
Antoine : Frédéric Pierrot
Stéphane : Guillaume de Tonquedec
Aurélie : Florence Loiret-Caille
Le producteur : Marc Betton
Le grand-père du bébé : Bernard Nissile
Encore une fois, Agnès Jaoui parle d’art, ici sur un mode dérisoire et réjouissant. Au cœur de Parlez-moi de la pluie se trouve un projet de documentaire qui doit s’inscrire dans une série sur « Les femmes qui ont réussi ». Aspirant cinéaste qui gagne sa vie comme réceptionniste d’hôtel, Karim Latrèche se propose de consacrer un film à Agathe Villanova, auteur d’essais féministes à succès qui se lance en politique, et obtient l’assistance technique d’un reporter chevronné, Michel Ronsard. Mais Karim nourrit une certaine aigreur à l’égard d’Agathe, et traîne quelque peu les pieds ; quant à Michel, sa fameuse expérience semble avoir disparu sans laisser de traces, et le tournage se transforme peu à peu en naufrage.
Au début de Parlez-moi de la pluie, Agnès Jaoui installe ses personnages deux par deux dans l’écrin élégant du cinémascope, chaque scène étant, selon la méthode éprouvée qu’elle et Jean-Pierre Bacri ont développée depuis Cuisine et dépendances, l’occasion de découvrir de nouvelles facettes des personnages, dans la diversité de leurs interactions. On a toutefois l’impression que le système ronronne un peu et un bon nombre de révélations se voient venir de loin.
A vrai dire, la personnalité d’Agnès Jaoui cinéaste s’exprime bien mieux en dehors de ce cadre, ce que révélait le magique dernier plan du Goût des autres. L’effondrement progressif de Michel et Agathe partageant une cigarette conique, la révélation subite de la liaison entre Florence et Michel, amenée par un geste impulsif et non par une scène dialoguée, voilà son vrai terrain. Son talent est d’observer les acteurs, toujours à leur meilleur ici quand on ne les sent pas cadrés par la dramaturgie. Le personnage le plus touchant du film est ainsi celui de Mimouna, la mère de Karim, auquel la non-professionnelle Mimouna Hadji apporte une étonnante et tendre authenticité qui en fait le porte-parole effacé de toute une génération : c’est elle qui incarne vraiment, dans le film, le combat social et politique qui fait déplacer beaucoup d’air à Agathe.
Le titre, emprunté à Brassens et maintes fois justifié par le film, notamment au cours d’un orage épique sur les pentes du Lubéron, confirme la filiation maintes fois ressentie entre Agnès Jaoui et Claude Sautet, qui aimait tant lui-même à mouiller ses personnages, comme une incarnation visuelle de leurs difficultés.
Donc, voilà : Agnès Jaoui cinéaste semble être l’ennemie d’Agnès Jaoui scénariste, sauf que… pas tout à fait. Cette façon de tirer à hue et à dia rend bancale et un peu morne la première moitié du film mais, une fois l’exposition terminée, le « système » Bacri/Jaoui desserre ses réseaux. Alors que l’intrigue, au bout du compte, n’avance pas, de plus en plus de scènes sont consacrées à une étude de comportement, transformant le film en carnet de notes un peu frustrant mais inattendu, plus souvent juste que drôle, et le cas échéant, drôle parce que juste : les mots d’auteur pompettes à la Un air de famille ont disparu ; le théâtre, sa dramaturgie chorale et ses joutes verbales disparaissent peu à peu du film et laissent la place au cinéma, compromettant l’équilibre de l’ensemble mais lui donnant, en retour, une allègre dynamique.
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- FICHE TECHNIQUE
Durée : 1h38
Date de sortie : 17 septembre 2008
Scénario : Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui
Assistant réalisateur : Antoine Garceau
Production : Jean-Philippe Andraca, Christian Bérard
Décors : Christian Marti
Photographie : David Quesemand
Son : Jean-Pierre Duret, Nadine Muse, Gérard Lamps
Montage : François Gédigier
- DISTRIBUTION
Michel Ronsard : Jean-Pierre Bacri
Agathe Villanova : Agnès Jaoui
Florence : Pascale Arbillot
Mimouna : Mimouna Hadji
Antoine : Frédéric Pierrot
Stéphane : Guillaume de Tonquedec
Aurélie : Florence Loiret-Caille
Le producteur : Marc Betton
Le grand-père du bébé : Bernard Nissile
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