Les Morsures de l’aube, de Antoine de Caunes * * *

Depuis que sa petite amie l’a définitivement largué en gardant l’appartement, Antoine mène une drôle de vie aux horaires décalés ; le jour, il dort sur un transat dans un club de relaxation ; la nuit, il court de boîte en boîte aux crochets de divers individus, et sous l’œil haineux des videurs. S’étant un jour incrusté dans une fête particulièrement privée, il n’en ressort que pourvu d’une mission : approcher un dénommé Jordan, un « seigneur de la nuit » dont la seule présence suffit à « lancer » un endroit, et le ramener au maître des lieux. Il y a des jours où on devrait rester sur son transat.

Les Morsures de l’aube ont une qualité première, même si elle est loin d’être isolée, c’est de nous venger de Jet-set, en appliquant à un milieu comparable, mais montré ici non pas isolé dans son bocal mais en liaison avec des zones peu recommandables, une métaphore particulièrement délectable : Antoine, parasite professionnel, se retrouve en fait à la chasse aux vampires. C’est très bienvenu, même si c’est un aspect tout à fait mineur du premier film d’Antoine de Caunes.

Le véritable propos de celui-ci est en effet de s’inscrire dans une renaissance du cinéma français « de genre », qui rencontre un certain succès public, du Pacte des loups à Belphégor en passant par Le Placard, et à laquelle on peut même rattacher quelques semi-ovnis du genre de Harry de Dominik Moll. Bref, un cinéma qui annonce la couleur, et dont le supplément d’âme proviendrait éventuellement de son style, ou de la contrebande recelée par le scénario.

Justement, Les Morsures de l’aube constituent un travail parfaitement soigné, voire un peu trop : la folie reste de bonne compagnie. Mais Antoine de Caunes parvient à s’en tenir du début à la fin à un certain ton, qui est fait de polar pour rire (on est dans la mouvance rigolarde des écrivains de la génération du cinéaste : Tonino Benacquista très précisément, mais on pourrait citer Daniel Pennac), et de noirceur pour de bon (mêmes références). L’atmosphère du film est très cohérente, entre une nuit stylisée de bout en bout par la photo de Pierre Aïm, et un jour presque irréel, voire pictural (influence de David Hockney dans les séquences au bord de la piscine !). C’est parfois un peu trop (cf. l’inévitable quoique ici bien amenée référence à Matrix, qui semble indépassable lorsqu’on veut affirmer une double ambition artistique et commerciale), mais on peut dire qu’Antoine de Caunes a trouvé un véritable style. Les acteurs « assurent » généreusement et sans cabotinage ; on peut juste regretter qu’Asia Argento soit plus ici une icône qu’une actrice. Sans être totalement mordus, on peut se laisser aller jusqu’à l’aube au charme du film.

Cet article a paru pour la première fois dans Le Petit Spectateur – papier n°92 (février-mars 2001)

Etienne Mahieux


  • BANDE ANNONCE



  • FICHE TECHNIQUE
Pays : France
Durée : 1h35
Date de sortie : 21 mars 2001
Scénario : Tonino Benacquista, Laurent Chalumeau
Assistant réalisateur : Delphine Bonnemason
Production : Patrick Godeau, Richard Grandpierre
Décors : François Emmanuelli
Photographie : Pierre Aïm
Son : Dominique Levert, Jérôme Wiciak
Montage : Joële Van Effenterre
Effets visuels : Fabien Girodot

  • DISTRIBUTION
Antoine : Guillaume Canet
Etienne : Gérard Lanvin
Violaine Charlier : Asia Argento
Dogman : Gilbert Melki
Caniveau : José Garcia
Abraham von Bülow : Jean-Marie Winling
Dogwoman : Corinne Debonnière
Homme de main : Emile Abossolo M’Bo
Brigitte : Margot Abascal
Jean-Marc: Patrick Mercado
Fou dangereux : Jo Prestia
Myriam : Cylia Malki
People : Vincent Perez
Loufiat : Tonino Benacquista

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