Traffic, de Steven Soderbergh * * *
Les statistiques sur la consommation de drogues, d’autant plus impressionnantes qu’elles comptabilisent parfois les rebelles antisociaux dans le genre de Raymond Barre, qui ont fumé deux ou trois joints en soixante-quinze ans, montrent bien que malgré les progrès des brigades antistupéfiants, les narcodollars ont de beaux jours devant eux. Inspiré d’une série télévisée britannique, Traffic détaille le circuit de la drogue aux Etats-Unis, et c’est édifiant. Le film de Steven Soderbergh fait s’entrecroiser une poignée de personnages dont les parcours couvrent l’ensemble du spectre du trafic, du producteur au consommateur, via le douanier.
On sait que Steven Soderbergh a fait l’événement en devenant, en 1988, le plus jeune récipiendaire de la Palme d’Or avec Sexe, mensonges et vidéo. Après quelques essais très personnels et très mal accueillis, il s’est ouvert une seconde carrière en devenant le très subtil couturier d’acteurs charismatiques. Et avec Traffic, qui vient de lui valoir, de façon non usurpée, l’Oscar du meilleur réalisateur, il refile à Hollywood une contrebande assez étonnante.
Il y a au cœur de Traffic une sorte de film dans le film, assez peu original, où Michael Douglas joue le rôle de Michael Douglas. Scénarisé « classiquement » (le parcours initiatique d’un personnage qui remplira sa mission en renonçant à ses préjugés), il est le seul élément véritablement apte à rassurer le spectateur. Si le personnage de Catherine Zeta-Jones est encore rattachable à une narration traditionnelle (c’est normal, l’actrice est la femme de Michael Douglas, et il ne faut pas fâcher la vedette), son parcours est déjà nettement plus inquiétant pour les valeurs occidentales ; quant au reste du film, soit une bonne heure et quart sur les deux heures et demie, c’est de l’acide, et du grave, si l’on veut bien me passer le jeu de mots vaseux.
Non content d’entremêler ses histoires, Steven Soderbergh installe d’autres cloisonnements dans le film. Les filtres de couleur (oui, Fred, je sais, c’est LE truc dont tu ne veux pas que je parle (1), mais que veux-tu, si tu veux apprendre à les repérer, va voir Traffic) définissent, non pas les histoires entrecroisées, mais les lieux de l’action, sachant que les personnages sont amenés à se déplacer de l’un à l’autre. Péché mignon de Soderbergh, très efficaces pour installer une ambiance, ils font ici l’objet de tout un éventail d’utilisations, de la légère teinte à une saturation quasi-complète d’une image qui devient peu lisible. Entre maîtrise chic et documentaire, entre anglais et espagnol, entre trip du drogué et caméra de surveillance, Traffic donne l’impression d’une mise en scène devenue folle (et donc d’un monde devenu cinglé), dans laquelle le cinéaste feindrait de mettre un peu d’ordre. Ca perturbe.
(1) C’est LE truc dont je t’ai dit que je ne voulais pas que tu parles (parce que ça m’énerve !)… mais c’est loin d’être le seul dans l’absolu (Note de Fred qui aimerait bien qu’on respecte sa divinité de temps en temps, merci.)
Cet article a paru pour la première fois dans Le Petit spectateur – papier n°92 (février-mars 2001)
Durée : 2h27
Date de sortie : 7 mars 2001
Scénario : Stephen Gaghan
D’après la série télévisée de : Simon Moore
Assistant réalisateur : Gregory Jacobs
Production : Laura Bickford, Marshall Herskovitz, Mike Newell, Richard Solomon, Edward Zwick
Décors : Philip Messina
Photographie : Peter Andrews (aka Steven Soderbergh)
Montage : Stephen Mirrione
Musique : Cliff Andrews
Général Ralph Landry : James Brolin
Montel Gordon : Don Cheadle
Caroline Wakefield : Erika Christensen
Javier Rodriguez : Benicio del Toro
Robert Wakefield : Michael Douglas
Le directeur de cabinet du président : Albert Finney
Seth Abrams : Topher Grace
Ray Castro : Luis Guzman
Rosario : Salma Hayek
Barbara Wakefield : Amy Irving
Général Arturo Salazar : Tomas Milian
Jeff Sheridan : D.W. Moffett
Un agent : Enrique Murciano
Arnie Metzger : Dennis Quaid
Manolo Sanchez : Jacob Vargas
Helena Ayala : Catherine Zeta-Jones
On sait que Steven Soderbergh a fait l’événement en devenant, en 1988, le plus jeune récipiendaire de la Palme d’Or avec Sexe, mensonges et vidéo. Après quelques essais très personnels et très mal accueillis, il s’est ouvert une seconde carrière en devenant le très subtil couturier d’acteurs charismatiques. Et avec Traffic, qui vient de lui valoir, de façon non usurpée, l’Oscar du meilleur réalisateur, il refile à Hollywood une contrebande assez étonnante.
Il y a au cœur de Traffic une sorte de film dans le film, assez peu original, où Michael Douglas joue le rôle de Michael Douglas. Scénarisé « classiquement » (le parcours initiatique d’un personnage qui remplira sa mission en renonçant à ses préjugés), il est le seul élément véritablement apte à rassurer le spectateur. Si le personnage de Catherine Zeta-Jones est encore rattachable à une narration traditionnelle (c’est normal, l’actrice est la femme de Michael Douglas, et il ne faut pas fâcher la vedette), son parcours est déjà nettement plus inquiétant pour les valeurs occidentales ; quant au reste du film, soit une bonne heure et quart sur les deux heures et demie, c’est de l’acide, et du grave, si l’on veut bien me passer le jeu de mots vaseux.
Non content d’entremêler ses histoires, Steven Soderbergh installe d’autres cloisonnements dans le film. Les filtres de couleur (oui, Fred, je sais, c’est LE truc dont tu ne veux pas que je parle (1), mais que veux-tu, si tu veux apprendre à les repérer, va voir Traffic) définissent, non pas les histoires entrecroisées, mais les lieux de l’action, sachant que les personnages sont amenés à se déplacer de l’un à l’autre. Péché mignon de Soderbergh, très efficaces pour installer une ambiance, ils font ici l’objet de tout un éventail d’utilisations, de la légère teinte à une saturation quasi-complète d’une image qui devient peu lisible. Entre maîtrise chic et documentaire, entre anglais et espagnol, entre trip du drogué et caméra de surveillance, Traffic donne l’impression d’une mise en scène devenue folle (et donc d’un monde devenu cinglé), dans laquelle le cinéaste feindrait de mettre un peu d’ordre. Ca perturbe.
(1) C’est LE truc dont je t’ai dit que je ne voulais pas que tu parles (parce que ça m’énerve !)… mais c’est loin d’être le seul dans l’absolu (Note de Fred qui aimerait bien qu’on respecte sa divinité de temps en temps, merci.)
Cet article a paru pour la première fois dans Le Petit spectateur – papier n°92 (février-mars 2001)
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- FICHE TECHNIQUE
Durée : 2h27
Date de sortie : 7 mars 2001
Scénario : Stephen Gaghan
D’après la série télévisée de : Simon Moore
Assistant réalisateur : Gregory Jacobs
Production : Laura Bickford, Marshall Herskovitz, Mike Newell, Richard Solomon, Edward Zwick
Décors : Philip Messina
Photographie : Peter Andrews (aka Steven Soderbergh)
Montage : Stephen Mirrione
Musique : Cliff Andrews
- DISTRIBUTION
Général Ralph Landry : James Brolin
Montel Gordon : Don Cheadle
Caroline Wakefield : Erika Christensen
Javier Rodriguez : Benicio del Toro
Robert Wakefield : Michael Douglas
Le directeur de cabinet du président : Albert Finney
Seth Abrams : Topher Grace
Ray Castro : Luis Guzman
Rosario : Salma Hayek
Barbara Wakefield : Amy Irving
Général Arturo Salazar : Tomas Milian
Jeff Sheridan : D.W. Moffett
Un agent : Enrique Murciano
Arnie Metzger : Dennis Quaid
Manolo Sanchez : Jacob Vargas
Helena Ayala : Catherine Zeta-Jones
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