Quand j'étais chanteur, de Xavier Giannoli * * * *

Quatorze millions de Français(es) sont célibataires. Depuis de longues années, Alain Moreau chante pour eux. Accompagné de son orchestre, il anime les après-midi dansantes de Clermont-Ferrand et de ses environs. Devant ses yeux, sur la piste, entre un cours de Madison et un tirage de tombola, les couples se forment, se cherchent, s’enlacent. Il aime son métier et ne méprise rien tant que le karaoké...

Parfois, ses mèches blondes et son répertoire de chansons d’amour lui valent la compagnie nocturne d’une femme mariée. Cependant, l’idole des vieux est seule. Alain Moreau aussi voudrait trouver l’amour. Quand, un soir, au Casino de Royat, il aperçoit au milieu de pugilistes rapidement maîtrisés une jeune femme aux cheveux blonds et à la rouge robe, son intérêt s’éveille.

Force est de constater que ce film tient essentiellement sur l’interprétation. Le scénario connait quelques longueurs et, surtout, à mon avis, une maladresse finale qui nous laisse un peu déçus. Pourquoi Xavier Giannoli a-t-il cru devoir nous imposer sa propre fin ? Cinq secondes de moins auraient laissé les spectateurs rentrer chez eux avec leurs interprétations personnelles. Dommage. Cependant, le réalisateur des Corps impatients réussit à donner de la beauté et de l’émotion à un personnage que le parisianisme et l’air du temps ont relégué à la ringardise la plus profonde. Cette histoire de « Frank Mickael auvergnat » pourrait faire songer au Podium de Yann Moix. D’où l’angoisse a priori du spectateur qui a de la mémoire et qui constate avec dépit que, depuis Uranus, les comédies n’ont guère servi Depardieu (et réciproquement). Fort heureusement, nous sommes bien loin du grand guignol. Oubliées les grimaces pathétiques d’Obélix ou les exagérations ridicules du Placard. Ici, Depardieu sort le grand jeu. Le beau jeu. Celui dont il nous privait avec une application admirable depuis quinze ans. Car c’est bien LE Depardieu, celui de Cyrano de Bergerac ou de Tous les matins du monde que nous retrouvons dans ce film. N’est-ce pas d’ailleurs un Cyrano moderne que celui qui, par le slow qu’il interprète, permet à une femme qui l’attire de se retrouver enlacée par un homme plus beau et plus jeune ? Tout en sobriété (il boit même du Perrier, c’est dire), l’acteur s’efface de nouveau devant le personnage. Il nous émeut aussi surement que le mariage de deux amis à la mairie de Villejuif. Les larmes ne sont pas loin.

Mais je suis d’accord avec vous, Depardieu n’est pas le seul interprète de Quand j’étais chanteur. Cécile de France elle aussi mérite des saluts admiratifs. Ce n’est plus la jeune femme à peine sortie de l’adolescence à laquelle nous ont habitué sa voix et ses moues boudeuses. Elle nous offre un personnage un peu paumé au milieu de ses sentiments et de ses problèmes familiaux. Dans son regard silencieux, on suit les évolutions de sa pensée, ses craintes et ses doutes. Quant aux deux rôles secondaires, Christine Citti (également à l’affiche de La Tourneuse de pages) et Mathieu Amalric, il n’y a pas grand-chose à dire, ils sont tout simplement superbes. Enfin, saluons de nouveau Gérard Depardieu, non plus, cette fois, pour ses talents recouvrés de comédien mais pour ceux, révélés, de chanteur. Son interprétation de L’Anamour rivalise avec celle de Gainsbourg. Quant à Faut pas pleurer comme ça, on en oublie même que c’est de Daniel Guichard. Quand j’étais chanteur est donc un film à voir et à entendre.

Frédéric Martin


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  • FICHE TECHNIQUE
Date de sortie : 13 septembre 2006
Réalisateur et scénariste : Xavier Giannoli
Premier assistant réalisateur : Dominique Delany
Directeur de la photographie : Yorick Le Saux
Ingénieur du son : François Musy
Costumière : Nathalie Benros
Chef décorateur : François-Renaud Labarthe
Compositeur : Alexandre Desplat
Producteur délégué : Edouard Weil
Distributeur : EuropaCorp Distribution

  • DISTRIBUTION
Gérard Depardieu : Alain
Cécile De France : Marion
Alain Chanone : Philippe Mariani
Mathieu Almaric : Bruno
Christine Citti : Michèle
Patrick Pineau : Daniel

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1 Commentaire

Lost in Clermont-Ferrand
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A noter une petit comparaison avec Lost in translation où les héros se trouvent dans un espace neutre, un à-peu-près géographique (l'hôtel nippon dans Lost in translation, les maisons vides à vendre dans Quand j'étais chanteur). Dans ces deux films, ces espaces sans âme recueillent deux solitudes, deux êtres rejetés qui cherchent en l'autre de l'attention et de la vie.
Deux films tout en finesse, où l'amour se tisse sur fond de pudeur...

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