Hors de prix, de Pierre Salvadori * * * *
Les chemins et les projets se croisent : la sortie de Hors de prix de Pierre Salvadori, peut évoquer le récent Quatre étoiles de Christian Vincent. Les deux films décrivent en effet les personnages qui gravitent autour des riches touristes de la Côte d’Azur, et lorgnent vers les comédies sophistiquées de Lubitsch. Mais Salvadori tire du sujet des accords qui n’appartiennent qu’à lui.
Jean est barman dans un palace de Biarritz. Une nuit, affalé, le cognac à la main, sur le divan où l’a convié à un client excentrique, il est pris pour un milliardaire par Irène, une jeune femme qui vit aux crochets d’un vieil amant. Trois heures du matin ou par là, plusieurs cocktails, et les voilà dans le même lit : Irène s’offre un peu de jeunesse masculine pour son anniversaire. Un an plus tard, même cause, même effets : voilà qui commence à ressembler à une histoire. Le protecteur d’Irène, observateur, la plante là, et voilà qu’elle découvre le véritable statut social de Jean. Celui-ci voit alors s’éloigner son exigeante dulcinée, hors de prix pour son humble Codevi…
Pierre Salvadori s’ébat à son aise dans l’esthétique de la comédie hollywoodienne. Il joue habilement de l’univers de reflets et de faux-semblants qu’est un hôtel de luxe. Il présente ses personnages demi-mondains comme autant d’acteurs sur une scène qu’il ne cherche à rendre réaliste que le temps de discrètes séquences révélant le travail de fourmi qui la fait subsister (balayeurs, cuisiniers, femmes de chambre…). Irène, qui aide Jean à se lancer de la carrière, le dirige comme un comédien, et le rôle même de l’argent n’est pas sans évoquer l’industrie du cinéma. Pour un euro, Irène veut bien rester dix secondes de plus avec Jean : et combien ça coûte, dix secondes d’Audrey Tautou sur l’écran ? C’est hors de prix, sans doute, mais, ça n’a pas de prix.
Ce qui grippe la mécanique, c’est l’impondérable, et l’impondérable, chez Salvadori, ce n’est pas tant la maladresse du personnage principal (ses films peuvent être vus comme autant d’inénarrables et féeriques success stories) : c’est l’amour. Comme dans Cible émouvante ou …comme elle respire, les sentiments font imploser la distribution des rôles. Dès lors qu’Irène n’entend pas renoncer à son mode de vie pour suivre Jean (car, elle le souligne dès le début, elle ne sait rien faire et se sent incapable de subsister autrement), la situation devient, pour eux, extrêmement douloureuse, en même temps qu’elle est drôle pour le spectateur. Audrey Tautou, à ce jeu, est admirable, et Salvadori pourrait avoir trouvé une actrice capable de tenir le registre que Marie Trintignant habitait royalement dans ses premiers films. Face à elle, Gad Elmaleh module de belle façon l’adresse ou la maladresse de Jean, selon les situations et les identités sociales qu’il traverse. Dindons de la farce entre deux âges, Marie-Christine Adam, Jacques Spiesser et Vernon Dobtcheff complètent avec talent une galerie de personnages fort humains.
C’est là la touche particulière de Salvadori : il parvient à ne jamais tricher avec ce que la situation peut comporter de pénible pour les personnages, mais en tire toujours un nouveau carburant pour la narration et pour la comédie. Il faut être absolument juste, et admettre que dans la seconde partie du film, le rythme s’enlise un tout petit peu. Salvadori a choisi un ton, celui du sourire enjoué et complice, du « rire dans l’âme » moliéresque, et il y sacrifie parfois une intrigue pourtant construite comme un vaudeville. Mais le film n’en touche pas moins son but : tenir les deux registres en même temps, nous révéler la dure vie des personnages de comédie. L’art de l’ellipse et de l’espace dont fait preuve le cinéaste, le ballet d’accessoires qu’il organise, où une pièce de monnaie, une montre, un petit parasol à décorer les cocktails sont les porteurs inspirés des pensées et des émotions des personnages, sont les ingrédients enchanteurs d’une mise en scène réjouissante. L’histoire avance parfois selon le simple comportement, les gestes des personnages, et notamment les réflexes professionnels de Jean, qui soulève instinctivement les valises de sa future conquête, ou se fait reconnaître dans une fête à sa façon de porter un plateau de coupes de champagne. Hors de prix est donc un film précieux au delà de ses défauts : on peut, comme le remarque Irène, résister à la beauté, mais pas au charme, et il n’en manque pas.
Durée : 1h43
Date de sortie : 13 décembre 2006
Scénario : Benoît Graffin, Pierre Salvadori
Assistant réalisateur: Alan Corno
Production : Philippe Martin
Décors : Yves Fournier
Photographie : Gilles Henry
Son : François Maurel, Joël Rangon
Montage : Isabelle Devinck, Jean-Christophe Winding
Musique : Camille Bazbaz
Irène : Audrey Tautou
Madeleine : Marie-Christine Adam
Jacques : Vernon Dobtcheff
Gilles : Jacques Spiesser
Agnès : Annelise Hesme
Jean est barman dans un palace de Biarritz. Une nuit, affalé, le cognac à la main, sur le divan où l’a convié à un client excentrique, il est pris pour un milliardaire par Irène, une jeune femme qui vit aux crochets d’un vieil amant. Trois heures du matin ou par là, plusieurs cocktails, et les voilà dans le même lit : Irène s’offre un peu de jeunesse masculine pour son anniversaire. Un an plus tard, même cause, même effets : voilà qui commence à ressembler à une histoire. Le protecteur d’Irène, observateur, la plante là, et voilà qu’elle découvre le véritable statut social de Jean. Celui-ci voit alors s’éloigner son exigeante dulcinée, hors de prix pour son humble Codevi…
Pierre Salvadori s’ébat à son aise dans l’esthétique de la comédie hollywoodienne. Il joue habilement de l’univers de reflets et de faux-semblants qu’est un hôtel de luxe. Il présente ses personnages demi-mondains comme autant d’acteurs sur une scène qu’il ne cherche à rendre réaliste que le temps de discrètes séquences révélant le travail de fourmi qui la fait subsister (balayeurs, cuisiniers, femmes de chambre…). Irène, qui aide Jean à se lancer de la carrière, le dirige comme un comédien, et le rôle même de l’argent n’est pas sans évoquer l’industrie du cinéma. Pour un euro, Irène veut bien rester dix secondes de plus avec Jean : et combien ça coûte, dix secondes d’Audrey Tautou sur l’écran ? C’est hors de prix, sans doute, mais, ça n’a pas de prix.
Ce qui grippe la mécanique, c’est l’impondérable, et l’impondérable, chez Salvadori, ce n’est pas tant la maladresse du personnage principal (ses films peuvent être vus comme autant d’inénarrables et féeriques success stories) : c’est l’amour. Comme dans Cible émouvante ou …comme elle respire, les sentiments font imploser la distribution des rôles. Dès lors qu’Irène n’entend pas renoncer à son mode de vie pour suivre Jean (car, elle le souligne dès le début, elle ne sait rien faire et se sent incapable de subsister autrement), la situation devient, pour eux, extrêmement douloureuse, en même temps qu’elle est drôle pour le spectateur. Audrey Tautou, à ce jeu, est admirable, et Salvadori pourrait avoir trouvé une actrice capable de tenir le registre que Marie Trintignant habitait royalement dans ses premiers films. Face à elle, Gad Elmaleh module de belle façon l’adresse ou la maladresse de Jean, selon les situations et les identités sociales qu’il traverse. Dindons de la farce entre deux âges, Marie-Christine Adam, Jacques Spiesser et Vernon Dobtcheff complètent avec talent une galerie de personnages fort humains.
C’est là la touche particulière de Salvadori : il parvient à ne jamais tricher avec ce que la situation peut comporter de pénible pour les personnages, mais en tire toujours un nouveau carburant pour la narration et pour la comédie. Il faut être absolument juste, et admettre que dans la seconde partie du film, le rythme s’enlise un tout petit peu. Salvadori a choisi un ton, celui du sourire enjoué et complice, du « rire dans l’âme » moliéresque, et il y sacrifie parfois une intrigue pourtant construite comme un vaudeville. Mais le film n’en touche pas moins son but : tenir les deux registres en même temps, nous révéler la dure vie des personnages de comédie. L’art de l’ellipse et de l’espace dont fait preuve le cinéaste, le ballet d’accessoires qu’il organise, où une pièce de monnaie, une montre, un petit parasol à décorer les cocktails sont les porteurs inspirés des pensées et des émotions des personnages, sont les ingrédients enchanteurs d’une mise en scène réjouissante. L’histoire avance parfois selon le simple comportement, les gestes des personnages, et notamment les réflexes professionnels de Jean, qui soulève instinctivement les valises de sa future conquête, ou se fait reconnaître dans une fête à sa façon de porter un plateau de coupes de champagne. Hors de prix est donc un film précieux au delà de ses défauts : on peut, comme le remarque Irène, résister à la beauté, mais pas au charme, et il n’en manque pas.
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- LIENS INTERNET
- FICHE TECHNIQUE
Durée : 1h43
Date de sortie : 13 décembre 2006
Scénario : Benoît Graffin, Pierre Salvadori
Assistant réalisateur: Alan Corno
Production : Philippe Martin
Décors : Yves Fournier
Photographie : Gilles Henry
Son : François Maurel, Joël Rangon
Montage : Isabelle Devinck, Jean-Christophe Winding
Musique : Camille Bazbaz
- DISTRIBUTION
Irène : Audrey Tautou
Madeleine : Marie-Christine Adam
Jacques : Vernon Dobtcheff
Gilles : Jacques Spiesser
Agnès : Annelise Hesme
1 Commentaire
8 juin 2008 à 23:11
4 étoiles ?? Je te trouve bien généreux ! Je lui en aurai donné deux, pas davantage. Le film m'a paru longuet et rébarbatif, malgré le bon duo Tautou-Elmaleh. Il manque du rythme, de l'énergie, de l'originalité, de la surprise !
Non, franchement, c'est décevant. :o(
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