Michael Clayton, de Tony Gilroy * * *
J’ai du retard dans mes critiques. J’écris celle-ci le 6 décembre 2007, et un colis piégé vient de dévaster un cabinet d’avocats parisien, tuant la jeune femme qui l’avait ouvert et faisant cinq blessés. A la lumière de cet attentat criminel, Michael Clayton, belle parabole sur la violence intrinsèque du libéralisme, se nimbe d’une lumière tristement réaliste.
Arthur Edens est l’un des principaux associés d’un grand cabinet d’avocats new-yorkais. Il se charge lui-même de négocier au nom de son client, la U/North, une grande entreprise d’agrochimie qui tâche d’éviter d’être traînée en justice par les victimes d’une importante pollution dont elle est responsable. Quand Arthur, surmené et dépressif, pète un câble en pleine négociation, le cabinet envoie l’un de ses employés, Michael Clayton, spécialiste des affaires embarrassantes, pour limiter les dégâts. Il découvre qu’Arthur, scandalisé par l’hypocrisie de ses propres clients, a réuni contre eux un dossier accablant.
Les torts exacts de la U/North sont, pour s’exprimer en termes hitchcockiens, un MacGuffin. Tony Gilroy, scénariste de la trilogie Jason Bourne, ici auteur complet pour la première fois, n’a certes pas choisi pour rien d’en faire un dossier de nature écologique, ce qui suffit à établir la nature politique du film — pour ceux à qui la présence parmi les artisans du projet de Sydney Pollack, et des duettistes Clooney et Soderbergh, n’aurait pas déjà mis la puce à l’oreille.
L’essentiel n’est pourtant pas là : c’est bel et bien le déroulement de l’intrigue lui-même qui contient la plus importante, et la plus subtile, des réflexions politiques proposées par le film. Michael Clayton, qui à la suite d’Edens décide de se retourner contre la U/North, a pour adversaire une employée de la firme, comme lui petite main des situations délicates, Karen Crowder. Courtois au début, leur affrontement amène la jeune femme à déraper en s’autorisant le recours à la violence. Mais le film ne nous laisse pas ignorer la violente pression qui pousse celle-ci de l’autre côté des barrières morales, avec lesquelles Clayton lui-même flirte constamment : c’est son métier. Michael Clayton raconte finalement un affrontement entre lampistes potentiels, aliénés à des degrés divers par leur dévouement envers leur employeur ou leur entreprise, et qui pour un peu auraient pu échanger leurs rôles, ce que souligne une superbe fin.
Le film est mené avec beaucoup de savoir-faire ; Tony Gilroy maîtrise un classicisme sec, voire laconique, qui convient à cette histoire où les êtres humains se montrent aussi opaques que les parois de leurs bureaux sont faussement transparentes. La sobriété du jeu de George Clooney joue élégamment dans le même sens. S’il n’est pas toujours inspiré — le film comporte, en son milieu, quelques minutes en trop dont la suppression rajouterait du nerf à l’intrigue sans perturber sa compréhension — il l’est parfois de façon surprenante. Le film est basé sur une structure en flash-back précédée d’un prologue étrange où vocifère le superbe Tom Wilkinson, dont l’expressivité tranche sur la volonté générale ici de tout étouffer (les affects et les affaires). Le déclenchement du flash-back est précédé d’une séquence admirable, le point culminant (hélas un peu trop tôt placé) du film. La tristesse hivernale de la Nouvelle-Angleterre, et un groupe de chevaux au calme déplacé, lui confèrent une aura poétique étonnante, et dont Tony Gilroy est certainement conscient : dans la suite du film, il organise le retour de plusieurs motifs de cette scène, laissant entendre qu’elle constitue une clef symbolique au delà de son rôle dans l’intrigue. Les chevaux reviennent ainsi sur un livre d’heroic fantasy enfantine qu’Arthur Edens adopte comme livre de chevet au moment de sa prise de conscience — et la scène des chevaux, d’abord peu compréhensible, marque sans doute de la même manière le basculement moral de Clayton.
Entre classicisme engagé et embardées poétiques, Tony Gilroy cherche sa voie avec talent. Peut-on lui conseiller de choisir la poésie ? C’est à elle que Michael Clayton doit ses arguments les plus convaincants.
Durée : 1h59
Date de sortie : 17 octobre 2007
Scénario : Tony Gilroy
Assistant réalisateur : Steve Apicella
Production : Jennifer Fox, Kerry Orent, Sydney Pollack, Steve Samuels, George Clooney, Anthony Minghella, Steven Soderbergh
Décors : Kevin Thompson
Photographie : Robert Elswit
Son : Paul P. Soucek
Montage : John Gilroy
Musique : James Newton Howard
Arthur Edens : Tom Wilkinson
Karen Crowder : Tilda Swinton
Marty Bach : Sydney Pollack
Barry Grissom : Michael O’Keefe
Anna : Merritt Wever
Mr. Verne : Robert Prescott
Gene Clayton : Sean Cullen
Ivy : Jennifer Van Dyck
Jeff Gaffney : Douglas McGrath
Arthur Edens est l’un des principaux associés d’un grand cabinet d’avocats new-yorkais. Il se charge lui-même de négocier au nom de son client, la U/North, une grande entreprise d’agrochimie qui tâche d’éviter d’être traînée en justice par les victimes d’une importante pollution dont elle est responsable. Quand Arthur, surmené et dépressif, pète un câble en pleine négociation, le cabinet envoie l’un de ses employés, Michael Clayton, spécialiste des affaires embarrassantes, pour limiter les dégâts. Il découvre qu’Arthur, scandalisé par l’hypocrisie de ses propres clients, a réuni contre eux un dossier accablant.
Les torts exacts de la U/North sont, pour s’exprimer en termes hitchcockiens, un MacGuffin. Tony Gilroy, scénariste de la trilogie Jason Bourne, ici auteur complet pour la première fois, n’a certes pas choisi pour rien d’en faire un dossier de nature écologique, ce qui suffit à établir la nature politique du film — pour ceux à qui la présence parmi les artisans du projet de Sydney Pollack, et des duettistes Clooney et Soderbergh, n’aurait pas déjà mis la puce à l’oreille.
L’essentiel n’est pourtant pas là : c’est bel et bien le déroulement de l’intrigue lui-même qui contient la plus importante, et la plus subtile, des réflexions politiques proposées par le film. Michael Clayton, qui à la suite d’Edens décide de se retourner contre la U/North, a pour adversaire une employée de la firme, comme lui petite main des situations délicates, Karen Crowder. Courtois au début, leur affrontement amène la jeune femme à déraper en s’autorisant le recours à la violence. Mais le film ne nous laisse pas ignorer la violente pression qui pousse celle-ci de l’autre côté des barrières morales, avec lesquelles Clayton lui-même flirte constamment : c’est son métier. Michael Clayton raconte finalement un affrontement entre lampistes potentiels, aliénés à des degrés divers par leur dévouement envers leur employeur ou leur entreprise, et qui pour un peu auraient pu échanger leurs rôles, ce que souligne une superbe fin.
Le film est mené avec beaucoup de savoir-faire ; Tony Gilroy maîtrise un classicisme sec, voire laconique, qui convient à cette histoire où les êtres humains se montrent aussi opaques que les parois de leurs bureaux sont faussement transparentes. La sobriété du jeu de George Clooney joue élégamment dans le même sens. S’il n’est pas toujours inspiré — le film comporte, en son milieu, quelques minutes en trop dont la suppression rajouterait du nerf à l’intrigue sans perturber sa compréhension — il l’est parfois de façon surprenante. Le film est basé sur une structure en flash-back précédée d’un prologue étrange où vocifère le superbe Tom Wilkinson, dont l’expressivité tranche sur la volonté générale ici de tout étouffer (les affects et les affaires). Le déclenchement du flash-back est précédé d’une séquence admirable, le point culminant (hélas un peu trop tôt placé) du film. La tristesse hivernale de la Nouvelle-Angleterre, et un groupe de chevaux au calme déplacé, lui confèrent une aura poétique étonnante, et dont Tony Gilroy est certainement conscient : dans la suite du film, il organise le retour de plusieurs motifs de cette scène, laissant entendre qu’elle constitue une clef symbolique au delà de son rôle dans l’intrigue. Les chevaux reviennent ainsi sur un livre d’heroic fantasy enfantine qu’Arthur Edens adopte comme livre de chevet au moment de sa prise de conscience — et la scène des chevaux, d’abord peu compréhensible, marque sans doute de la même manière le basculement moral de Clayton.
Entre classicisme engagé et embardées poétiques, Tony Gilroy cherche sa voie avec talent. Peut-on lui conseiller de choisir la poésie ? C’est à elle que Michael Clayton doit ses arguments les plus convaincants.
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- FICHE TECHNIQUE
Durée : 1h59
Date de sortie : 17 octobre 2007
Scénario : Tony Gilroy
Assistant réalisateur : Steve Apicella
Production : Jennifer Fox, Kerry Orent, Sydney Pollack, Steve Samuels, George Clooney, Anthony Minghella, Steven Soderbergh
Décors : Kevin Thompson
Photographie : Robert Elswit
Son : Paul P. Soucek
Montage : John Gilroy
Musique : James Newton Howard
- DISTRIBUTION
Arthur Edens : Tom Wilkinson
Karen Crowder : Tilda Swinton
Marty Bach : Sydney Pollack
Barry Grissom : Michael O’Keefe
Anna : Merritt Wever
Mr. Verne : Robert Prescott
Gene Clayton : Sean Cullen
Ivy : Jennifer Van Dyck
Jeff Gaffney : Douglas McGrath
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