Capitaines d’avril, de Maria de Medeiros * *

Le 25 avril 1974 est une date fondamentale dans l’Histoire du Portugal, et consécutivement de Champigny-sur-Marne. Ce jour-là, un réseau constitué d’officiers subalternes, vétérans des conflits coloniaux qui se prolongeaient sans fin en Afrique, déclencha un putsch contre la dictature salazariste, aussitôt relayé par le peuple de Lisbonne, qui descendit dans la rue, et appela de ses vœux la démocratie, tout en couvrant de fleurs les rebelles : avec la Révolution des Œillets, le Portugal devenait une nation moderne.

Premier film de l’actrice Maria de Medeiros, alors âgée de neuf ans, Capitaines d’avril est également le premier retour du cinéma portugais sur cette période de l’histoire nationale. Il dégage donc, avant même la première image (et tant mieux, car la première image glacerait n’importe qui), une sympathie indéniable. Après la dernière, il en dégage tout autant.

Si le cinéma portugais a pour habitude d’être furieusement décalé, son aptitude à la fresque historique demeurait problématique ; Capitaines d’avril suit une progression assez tortueuse entre lyrisme politique et chronique individuelle. Maria de Medeiros lance dans Lisbonne insurgée une poignée de personnages sans lien apparent entre eux, puis dévoile petit à petit leurs liens personnels, ce qui finit par mêler à l’épopée une histoire de pyramide amoureuse, justifiée in extremis mais bancale sur le moment. De plus, elle insiste avec un humour bienvenu sur les aspects les plus étonnants du 25 avril : comme bien d’autres soulèvements, la Révolution des Œillets eut un côté farce. Enfin, malgré son enthousiasme démocrate, et son choix de s’en tenir à la journée du 25, la cinéaste glisse, via le dénouement, et le personnage de matamore cynique joué par Joaquim de Almeida, quelques bémols sur une révolution vite confisquée par quelques généraux opportunistes : le Portugal n’était pas tout à fait au bout de ses peines.

C’est dire que Capitaines d’avril est un film intelligent ; malgré le scrupule mis par la réalisatrice à sacrifier aux figures de l’épopée (elle est très contente d’avoir une grue pour les scènes de foule…), il lui arrive de piétiner un peu, ou de laisser l’intérêt se disperser ; le caractère tragi-comique et parfois peu spectaculaire des événements relatés comporte, de fait, de nombreux pièges dramaturgiques. On en retiendra cependant la joviale modestie (une superproduction portugaise, c’est pas Hollywood, et tant mieux : c’est plus humain), et quelques séquences véritablement remarquables, dont celle qui voit s’opposer rebelles et militaires loyalistes, dans les rues de Lisbonne.

Cet article a paru initialement dans Le Petit spectateur – papier n°92 (février-mars 2001)

Etienne Mahieux


  • BANDE ANNONCE

  • FICHE TECHNIQUE
Pays : France/Portugal

Titre original : Capitães de abril
Durée : 2h05
Date de sortie : 24 janvier 2001
Scénario : Eve Deboise, Maria de Medeiros
Assistant réalisateur : Nuno Dray, João Pedro Ruivo
Production : Javier Castro, Concha Diaz, Ricardo Evole
Décors : Guy-Claude François
Photographie : Michel Abramowicz
Son : Jérôme Thiault
Montage : Jacques Witta
Musique : Zeca Afonso, Antonio Vitorino d’Almeida

  • DISTRIBUTION
Maia : Stefano Accorsi

Antonia : Maria de Medeiros
Gervasio : Joaquim de Almeida
Manuel : Frédéric Pierrot
Rosa : Rita Blanco
Général Pais : Luis Miguel Cintra
Botelho : Emmanuel Salinger
Rui Gama : Rogerio Samora
Salieri : Canto e Castro

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