Hannibal, de Ridley Scott *

Evadé en 1991 à la fin du Silence des agneaux de Jonathan Demme, le docteur Hannibal Lecter, dit le Cannibale, le serial-killer le plus dégueu, le plus dangereux et le plus raffiné des Etats-Unis, est parvenu dix ans à se contenir, avant le début de la première séance du film qui porte son nom. L’agent Clarice Starling (qui, mécontente de ressembler à Jodie Foster, s’est fait la tête de Julianne Moore), mal vue de ses supérieurs à la suite d’une bavure plus ou moins provoquée, est chargée de lui mettre la main dessus suite à des renseignements nouveaux dus à un certain Mason Verger, la seule victime de Hannibal à avoir suvécu. Pendant ce temps, ledit Hannibal, protégé par un pseudonyme qui ne le dispense pas de ressembler à ses photos, postule pour une poste de conservateur à Florence, Italie, cité des arts et des petits cafés sur les places ombreuses.

Ridley Scott, revenu à la suite du succès de Gladiator dans les toutes premières places de la liste des réalisateurs que les producteurs de Los Angeles appellent quand il s’agit de faire un carton, s’est remis, semble-t-il, à saper son piédestal avec bonne humeur. Non que son film manque d’ambition visuelle ; on croit déceler une obsession prégnante, celle de la façon dont les visages apparaissent ou disparaissent, dont le lien cependant avec l’intrigue, ou même avec le fond le plus secret du film, demeure particulièrement indécidable.

Prenant comme alibi la haute culture européenne, dont le docteur Lecter est friand, Hannibal est cependant un film remarquablement laid, caractéristique du prosaïsme pompier dans lequel Scott est tombé depuis pas mal d’années, et dont Gladiator s’échappait par moments ; si le pompiérisme est prosaïque, c’est parce qu’il s’agit de tout un art du plan cadré à la paresseuse, et parfois à même la molle épaule du cadreur. Du moins lorsqu’on voit quelque chose, car afin de signifier qu’il s’agissait bien d’un film noir, Ridley Scott a demandé à son propre chef opérateur une photographie noire comme du charbon qui ne permet qu’aléatoirement de distinguer les visages des protagonistes. Si nous ne savions pas d’autre part que la sublime Francesca Neri a les yeux bleus, ce n’est pas ce film qui nous aurait permis de l’apprendre.

Hollywood a du métier, et c’est toujours moins mauvais que si Dario Argento avait pris le train en marche, mais comment se contenter d’un film qui se borne à souligner complaisamment tous les traits psychologiques que son prédécesseur suggérait déjà, et dont l’enjeu esthétique final consiste à se demander comment le directeur des effets spéciaux va s’en tirer, si d’aventure la cervelle de Ray Liotta tombait dans son assiette. Et Julianne Moore, parfois, de sourire aux anges, comme si elle apercevait son prochain bon film derrière la lili du troisième assistant.

Hannibal
a au moins un mérite : permettre de réévaluer à la hausse le film, correct, tristounet, discrètement gothique, et franchement plus subtil, de Jonathan Demme.

Cet article a paru pour la première fois dans Le Petit spectateur – papier n°92 (février-mars 2001).

Etienne Mahieux

  • BANDE ANNONCE


  • FICHE TECHNIQUE
Pays : Etats-Unis
Durée : 2h05
Date de sortie : 21 février 2001
Scénario pouf-pouf : David Mamet, Steven Zaillian
D’après le roman de : Thomas Harris
Assistant réalisateur : Terry Needham
Production : Dino de Laurentiis, Martha de Laurentiis, Ridley Scott
Décors qu’on ne voit pas : Norris Spencer
Amorce de photographie : John Mathieson
Son : Per Hallberg
Montage chichiteux : Pietro Scalia
Effets visuels : Tim Burke
Musique en grincement de porte : Hanz Zimmer

  • DISTRIBUTION
Hannibal Lecter, D.M. : Anthony Hopkins
Clarice Starling, F.B.I. : Julianne Moore
Paul Krendler : Ray Liotta
Mason Verger : Gary Oldman
Il Commendatore Pazzi : Giancarlo Giannini
La signora Allegra Pazzi : Francesca Neri
Pickpocket mégalomane : Enrico Lo Verso
Dealer mais mère avant tout : Hazelle Goodman

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