La Chambre des magiciennes, de Claude Miller * * * *

Etudiante attardée et mal dans sa peau, Claire Weygand souffre de migraines chroniques et de la condescendance des neurologues. Ses parents sentent le ranci, elle est la providence de sa petite sœur, et a pour amant son directeur de recherches, qui est marié au-delà du raisonnable. A la fin, épuisée, Claire se fait admettre en clinique. Elle y tombe évidemment sur plus mal loti qu’elle ; mais surtout une inquiétude diffuse émane du respectable établissement…

La Chambre des magiciennes est la contribution de Claude Miller à la série de téléfilms diffusés par Arte, produits par Jacques Fansten, et intitulés Petites caméras car tournés en vidéo haute définition, avec un matériel ultra léger. Comme Nationale 7 de Jean-Pierre Sinapi et Les Yeux fermés d’Olivier Py, le film de Miller a fini par aboutir dans votre salle préférée (sinon, changez de salle préférée).

L’intérêt principal des nouvelles caméras haute définition, c’est qu’un plan peut se préparer en trois minutes — et non plus en trois heures — et que la caméra peut se faufiler absolument n’importe où. D’où réduction possible des durées de tournage, donc des budgets, mais aussi possibilité d’accumuler beaucoup de matériel pour le montage. Claude Miller a travaillé dans ces deux directions, sans abandonner le plan fixe sous prétexte qu’il n’avait plus besoin de machinistes.

Déjà La Classe de neige témoignait d’une tendance fantastique, ici mieux maîtrisée : l’inquiétude, puis l’angoisse, naissent principalement de l’ambiance claustrophobique de la chambre que Claire partage avec la pétulante hémiplégique Odette et l’imprévisible septuagénaire Eléonore, ainsi que de l’utilisation, en guise de refrain, des documents ethnologiques sur lesquels travaille Claire. Claude Miller crée un petit monde, magique d’une magie noire, dans un style expressionniste et percutant. A travers le personnage de Jacques Mauclair, qui cite soudain saint Paul, le film menace de tourner à l’apologue rempli de bons sentiments ; mais cette irruption de la morale dans une histoire jusque là rebelle à toute axiologie n’est peut-être qu’une étrangeté de plus, tant il est vrai que dans La Chambre des magiciennes le vaudou prime sur la théologie.

Ajoutons qu’un film avec Anne Brochet est un bien rare ; notre comédienne chérie est ici dans un emploi qu’elle a déjà fréquenté dans Tous les matins du monde : elle est inimitable dès lors que son personnage est patraque. Elle a trouvé ici, en la personne de la méconnue Annie Noël, une partenaire de choc ; les deux actrices vont très, très loin, et contribuent à faire de cette inattendue Chambre des magiciennes le meilleur film de Claude Miller depuis...

Cet article a paru pour la première fois dans Le Petit spectateur – papier n°92 (février-mars 2001)

Etienne Mahieux

  • FICHE TECHNIQUE
Pays : France
Durée : 1h23
Date de sortie : 28 février 2001
Scénario : Claude Miller
D’après le chapitre 3 du roman Les Yeux bandés de : Siri Hustvedt
Assistant réalisateur : Hervé Ruet
Production : Pierre Chevallier, Jacques Fansten, Annie Miller
Décors : Boris Piot
Photographie : Philippe Welt
Son : Pascal Armant
Montage : Véronique Lange

  • DISTRIBUTION
Claire Weygand : Anne Brochet
Odette : Mathilde Seigner
Eléonore : Annie Noël
Le docteur Olivier Fish : Yves Jacques
Simon Lachaume : Edouard Baer
Mme Weygand : Edith Scob
Jean-Michel : Jacques Mauclair
Julien : Julien Boivent
Médecin doué en psychologie : Philippe Laudenbach
SDF doté de l’esprit d’entreprise : Yves Verhoeven

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