La Femme au portrait, de Fritz Lang (1944) * * * * *

Exilé aux Etats-Unis depuis dix ans, Fritz Lang fait appel à Edwards J. Robinson pour interpréter le personnage principal de ce film noir. D'une laideur fascinante, il joue le rôle de Richard Wanley, un professeur en criminologie, fasciné, lui, par la Beauté. C'est un tableau exposé dans une vitrine, un portrait de femme, qui destabilisera sa vie...

Le film nous conte cette longue plongée dans le meurtre sous toutes ses formes. Auto-défense d'abord, puis essai d'empoisonnement, pour finir par un suicide qui signe son incapacité à gérer le crime dans sa réalité, lui qui pourtant l'enseigne à l'université... C'est donc le portrait d'un homme, qui nous passionne. Un homme rassis, lent, proche de la vieillesse, désabusé croit-on, jusqu'au moment où la beauté de Joan Bennet (Alice dans le film) va le transformer en un petit garçon affolé et maladroit.

Fritz Lang fait preuve d'une finesse psychologique étonnante dans la description de cette plongée dans l'horreur. En même temps, l'humour n'est pas loin : c'est par un ami procureur qui suit l'enquête pas à pas que E. G. Robinson va apprendre les détails qui doivent confondre le meurtrier (donc lui-même !). Traces de pneus, chaussures ressemelées, poids de l'homme, chargé du cadavre... Ces discussions dans un club privé autour d'un verre dévoilent un certain masochisme de la part de Robinson. Il sent la nasse se resserrer autour de lui et semble s'en amuser dans une certaine mesure, évaluer les risques d'être confondu, mais d'une façon toute intellectuelle, avec un certain recul. Car ce club ne reçoit que des hommes "arrivés" dont le Procureur et son ami le grand professeur en psychologie criminelle. C'est un endroit fermé, protégé.

On évoquera évidemment Hitchcock, non seulement dans le suspense éprouvant du scénario, mais aussi dans cette fatale paire de ciseaux qu'une main tâtonnante saisit pour échapper à l'étrangleur... Et le clin d'oeil final ("Je vous ai fait bien peur hein !") nous réjouit comme dans les films d'Hitchcock (la fin de La Mort aux trousses par exemple). Entre le mari bonnasse qui accompagne sa femme et ses enfants à la gare avec moultes recommandations, le professeur en chaire livrant son savoir à ses étudiants, l'ami du procureur venant se détendre autour d'un verre, l'assassin maladroit qui s'embourbe dans le crime à la suite d'un chantage dont il ne sait se défaire, enfin, l'homme face à ses fantasmes et à sa culpabilité..., que de facettes qui renvoient à la psychologie d'un homme simple. Un noeud de contradictions et d'angoisses traité avec génie par Fritz Lang dont nous connaissons le talent pour les cadrages, les clairs-obscurs (les trottoirs luisant de pluie), toute une atmosphère de film noir qui se termine par une géniale pirouette...

Françoise Balazard

  • FICHE TECHNIQUE
Titre original : The woman in the window
Durée : 1h40
Année : 1944
Pays : Etats-Unis
Réalisateur : Fritz Lang
D'après l'oeuvre de : J. H. Wallis (Once off guard)
Assistant réalisateur : Richard Harlan
Producteur scénariste : Nunally Johnson
Directeur de la photographie : Milton R. Krasner
Directeur artistique : Duncan Cramer
Chef monteur : Marjorie Fowler
Monteur : Gene Fowler Jr.
Effets spéciaux : Vernon Walker
Chef décorateur : Julia Héron
Costumière : Muriel King
Compositeurs : Arthur Lange, Hugo Friedhofer

  • DISTRIBUTION
Edward G. Robinson : Professeur Richard Wanley
Joan Bennett : Alice Reed (la femme au portrait)
Dan Duryea : Heidt
Raymond Massey : Frank Lalor
Edmond Breon : Dr. Michael Barkstane
Thomas E. Jackson : L'inspecteur Jackson
Dorothy Peterson : Mrs. Wanley
Arthur Loft : Claude Mazard/Frank Howard
Frank Dawson : Collins

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