Mala Noche, de Gus Van Sant * * * *

L’action se situe à Portland (Oregon). Walt Curtis y travaille dans une épicerie. Il y rencontre un jour un jeune saisonnier mexicain, manifestement pas en règle avec la législation sur l’immigration, Johnny. Coup de foudre de Walt pour Johnny. Il tâche de l’attirer dans son lit, mais Johnny ne quitte jamais son ami Roberto. Les deux jeunes gens jouent du désir de Walt pour obtenir un peu de protection ; Johnny se refuse à lui ; en revanche Roberto s’offre cyniquement.
Réalisé avec très peu de moyens et dans des conditions parfois burlesques (1), Mala noche propose une vision presque documentaire — mais jamais didactique, au contraire il faut attraper les informations au vol — de la jeunesse marginale de Portland. Gus Van Sant met d’ailleurs en abyme cet aspect de son film en dotant ses personnages d’une caméra Super 8 (couleurs, alors que la narration est en noir et blanc). Aussi bien Walt, malgré sa position de « gringo » bénéficiant d’un certain nombre d’avantages économiques, que Johnny et Roberto sont des oubliés du rêve américain ; et bien sûr cette position marginale est également due à l’homosexualité de Walt, qui n’est admise que dans un milieu fermé, et qui lui vaut le mépris (ou du moins l’affectation de mépris) de ses deux protégés, jamais en reste pour le traiter de « puto ».

Mala Noche est un film expressionniste, où les noirs et blancs claquent, où les cadres sont penchés ou découpent les corps comme arbitrairement. L’effort de composition, permanent, est allégé par la vivacité du montage. Très brillamment, Van Sant retourne ainsi en qualités flamboyantes les contraintes techniques d’un tournage en 16mm, qui a dû utiliser plus qu’à son tour de simples chutes de pellicule. Il a le style qu’il peut, mais précisément, du style. La seule scène d’amour physique du film — pour laquelle votre serviteur ne saurait être client a priori vu le sexe des protagonistes — est une petite merveille : la dissolution de la durée, le découpage fragmentaire, le silence qui règne (ou ai-je rêvé ?) en font un pur et beau flux de sensations. Si les sentiments du protagoniste demeurent parfois quelque peu théoriques (l’acteur, Tim Streeter, s’appliquant essentiellement à être cool, laisse la voix off faire une bonne partie du travail), c’est, en retour, la pudeur et la finesse qui tissent ce très beau Mala Noche.
(1) Alors que Johnny est censé ne pas parler un mot d’anglais, Doug Cooeyate, lui, ne parlait pas un mot d’espagnol — il est doublé pour ses rares dialogues (Note du Service Linguistique)
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- FICHE TECHNIQUE
Année de production : 1985
Date de sortie : 11 Octobre 2006
Durée : 1h18
Production, scénario et montage : Gus Van Sant
D’après l’autobiographie de : Walt Curtis
Photographie : John J. Campbell
Musique : Peter Daamaan, Karen Kitchen, Creighton Lindasy
- DISTRIBUTION
Johnny : Doug Cooeyate
Roberto « Pepper » : Ray Monge
Betty : Nyla McCarthy
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