The Good German, de Steven Soderbergh * * *
Trafics, manipulations et organisation de la fuite des cerveaux sont au programme de ce film noir situé dans le Berlin de 1945, et que Soderbergh a choisi de traiter en pastichant le cinéma de l’époque. C’était probablement une fausse bonne idée, mais le brillant cinéaste s’en tire avec les honneurs, et une oreille (1).
Berlin, 1945. Le journaliste Jacob Geismar descend de l’avion : il vient couvrir la conférence de Potsdam, où Staline, Churchill et Truman entre les deux blocs. L’armée lui octroie un chauffeur, Patrick Tully, un petit escroc qui s’empresse de le soulager de son portefeuille. Il découvre peu après que Tully est l’amant (et le souteneur) de Lena, qui fut avant la guerre sa collaboratrice et sa maîtresse. Il n’a pas fini de s’étonner…
Le Berlin que décrit The Good German, séparé en différentes zones peu étanches et en commerce permanent l’une avec l’autre, zone de guerre tout juste pacifiée où l’on n’a pas fini de détruire les emblèmes nazis, est proche sans doute du Bagdad actuel. Mais Soderbergh vise plus loin que le film à clefs : il montre comment le commerce domine les oppositions politiques, y compris lorsque celles-ci se font, justement, autour de la question de la domination du commerce.
De façon absolument surprenante, logique du point de vue de la cinéphilie mais pas nécessairement du point de vue de l’art, le cinéaste s’est mis dans la tête de réaliser un film noir dans les conditions des années 1940 : même pellicule, même caméra, mêmes méthodes d’éclairage, mêmes travellings… On peut discuter la façon dont Soderbergh a traité tel ou tel plan, mais de façon générale, force est d’admettre que la précision est hallucinante ; mais pas seulement pour des raisons de photographie, ni parce que tel ou tel film sont cités ni enfin parce que George Clooney s’amuse à ressembler à Cary Grant ; Soderbergh a su également retrouver l’économie de moyens, et la sécheresse narrative du classicisme hollywoodien. Il faut même se concentrer pour suivre les péripéties, comme dans certains films de Hawks. Les touches de modernité sont dans le traitement de sujets qui auraient été considérés comme tabous dans les années 1940 (notamment la prostitution). Clooney prend idéalement la lumière du noir et blanc et Cate Blanchett, qui hérite de l’emploi de la femme fatale, est souveraine dans les gros plans sévères ou abandonnés qui étaient le lot des stars d’antan. Ainsi, par son étonnante maîtrise stylistique, Soderbergh fait naître l’émotion, en même temps qu’une réflexion ironique et désabusée sur la situation, dans la vraie tradition du film noir.
Dans un sens, il était moins une, car devant une fin qui cite l’inévitable Casablanca, on a du mal à prendre tout à fait l’entreprise au sérieux, et on se demande à quel moment Jean Dujardin va surgir (rappelons qu’OSS 117 était également un pastiche presque parfait, même si les techniques des années 1950, notamment le traitement des couleurs, y étaient parfois simulées et non reproduites). Renvoyer l’histoire, non seulement à son époque, mais à des codes fictionnels dépassés, était un piège inutile, un véritable masque pour les enjeux véritables. Zwick n’a pas eu de ces pudeurs dans Blood diamond et, avec moins de brio, obtient peut-être plus de résultat. Mais l’on peut aussi comparer le film de Soderbergh à Good night, and good luck de son complice Clooney, où le noir et blanc citait cette fois plus volontiers celui de la télévision débutante et où, surtout, il était la métonymie de la rigueur professionnelle des personnages. Mais tel est le talent de Soderbergh qu’il parvient à emporter le morceau.
(1) Celle de George Clooney, apparemment pas. (Note de l’infirmerie)
Titre original : The Good German
Date d sortie : 14 février 2007
Durée : 1h45
Scénario : Paul Attanasio
D’après le roman de : Joseph Kanon
Assistant réalisateur : Gregory Jacobs
Production : Ben Cosgrove, Gregory Jacobs, Steven Soderbergh
Décors : Philip Messina
Photographie : Peter Andrews (aka Steven Soderbergh)
Son : Randall L. Johnson, Larry Blake
Montage : Mary Ann Bernard (aka Steven Soderbergh)
Musique : Thomas Newman
Lena Brandt : Cate Blanchett
Patrick Tully : Tobey Maguire
Général Sikorsky : Ravil Isaynov
Bernie Teitel : Leland Orser
Hannelore : Robin Weigert
Colonel Muller : Beau Bridges
Le député Breimer : Jack Thompson
Levi : Dominic Comperatore
Lieutenant Schaefer : Dave Power
Emil Brandt : Christian Oliver
Berlin, 1945. Le journaliste Jacob Geismar descend de l’avion : il vient couvrir la conférence de Potsdam, où Staline, Churchill et Truman entre les deux blocs. L’armée lui octroie un chauffeur, Patrick Tully, un petit escroc qui s’empresse de le soulager de son portefeuille. Il découvre peu après que Tully est l’amant (et le souteneur) de Lena, qui fut avant la guerre sa collaboratrice et sa maîtresse. Il n’a pas fini de s’étonner…
Le Berlin que décrit The Good German, séparé en différentes zones peu étanches et en commerce permanent l’une avec l’autre, zone de guerre tout juste pacifiée où l’on n’a pas fini de détruire les emblèmes nazis, est proche sans doute du Bagdad actuel. Mais Soderbergh vise plus loin que le film à clefs : il montre comment le commerce domine les oppositions politiques, y compris lorsque celles-ci se font, justement, autour de la question de la domination du commerce.
De façon absolument surprenante, logique du point de vue de la cinéphilie mais pas nécessairement du point de vue de l’art, le cinéaste s’est mis dans la tête de réaliser un film noir dans les conditions des années 1940 : même pellicule, même caméra, mêmes méthodes d’éclairage, mêmes travellings… On peut discuter la façon dont Soderbergh a traité tel ou tel plan, mais de façon générale, force est d’admettre que la précision est hallucinante ; mais pas seulement pour des raisons de photographie, ni parce que tel ou tel film sont cités ni enfin parce que George Clooney s’amuse à ressembler à Cary Grant ; Soderbergh a su également retrouver l’économie de moyens, et la sécheresse narrative du classicisme hollywoodien. Il faut même se concentrer pour suivre les péripéties, comme dans certains films de Hawks. Les touches de modernité sont dans le traitement de sujets qui auraient été considérés comme tabous dans les années 1940 (notamment la prostitution). Clooney prend idéalement la lumière du noir et blanc et Cate Blanchett, qui hérite de l’emploi de la femme fatale, est souveraine dans les gros plans sévères ou abandonnés qui étaient le lot des stars d’antan. Ainsi, par son étonnante maîtrise stylistique, Soderbergh fait naître l’émotion, en même temps qu’une réflexion ironique et désabusée sur la situation, dans la vraie tradition du film noir.
Dans un sens, il était moins une, car devant une fin qui cite l’inévitable Casablanca, on a du mal à prendre tout à fait l’entreprise au sérieux, et on se demande à quel moment Jean Dujardin va surgir (rappelons qu’OSS 117 était également un pastiche presque parfait, même si les techniques des années 1950, notamment le traitement des couleurs, y étaient parfois simulées et non reproduites). Renvoyer l’histoire, non seulement à son époque, mais à des codes fictionnels dépassés, était un piège inutile, un véritable masque pour les enjeux véritables. Zwick n’a pas eu de ces pudeurs dans Blood diamond et, avec moins de brio, obtient peut-être plus de résultat. Mais l’on peut aussi comparer le film de Soderbergh à Good night, and good luck de son complice Clooney, où le noir et blanc citait cette fois plus volontiers celui de la télévision débutante et où, surtout, il était la métonymie de la rigueur professionnelle des personnages. Mais tel est le talent de Soderbergh qu’il parvient à emporter le morceau.
(1) Celle de George Clooney, apparemment pas. (Note de l’infirmerie)
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- LIENS INTERNET
- FICHE TECHNIQUE
Titre original : The Good German
Date d sortie : 14 février 2007
Durée : 1h45
Scénario : Paul Attanasio
D’après le roman de : Joseph Kanon
Assistant réalisateur : Gregory Jacobs
Production : Ben Cosgrove, Gregory Jacobs, Steven Soderbergh
Décors : Philip Messina
Photographie : Peter Andrews (aka Steven Soderbergh)
Son : Randall L. Johnson, Larry Blake
Montage : Mary Ann Bernard (aka Steven Soderbergh)
Musique : Thomas Newman
- DISTRIBUTION
Lena Brandt : Cate Blanchett
Patrick Tully : Tobey Maguire
Général Sikorsky : Ravil Isaynov
Bernie Teitel : Leland Orser
Hannelore : Robin Weigert
Colonel Muller : Beau Bridges
Le député Breimer : Jack Thompson
Levi : Dominic Comperatore
Lieutenant Schaefer : Dave Power
Emil Brandt : Christian Oliver
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