Ocean’s 13, de Steven Soderbergh * *
Ocean’s eleven était un beau film, un éloge professionnel du professionnalisme et une réflexion sur l’illusion. Ocean’s twelve était un film saboté comme Soderbergh sait en faire, éloge de l’inspiration qui n’hésitait pas à en manquer. Ocean’s thirteen reprend ce propos avec un scénario moins confus, et tâche d’avoir l’air aussi improvisé que possible.
La bande des onze virtuoses du cambriolage qui reconnaît Danny Ocean comme chef va être réunie une troisième fois pour des raisons de pure amitié. Roulé dans la farine par un promoteur véreux, Willie Bank, avec qui il s’était associé, Reuben, le vice-doyen du groupe, fait un malaise cardiaque qui manque de lui être fatal. Afin de lui redonner le goût de vivre, ses dix complices décident de le venger. Malgré la tchatche faussement débonnaire que lui insuffle Al Pacino, Willie Bank ne saurait être un danger bien redoutable. George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon et même Andy Garcia se serrent les coudes face à lui, et le scénariste est de leur côté.
Deux principes des deux premiers volets sont abandonnés : tout d’abord, il ne s’agit plus de gagner de l’argent mais d’en faire perdre à l’adversaire (en détraquant le casino de son nouvel hôtel), désintéressement qui permettra d’ailleurs à la bande d’Ocean d’éviter l’un des principaux pièges de la sécurité, je ne vous dis pas comment ; ensuite, il n’est plus guère question de manipuler l’image. Plus d’entourloupe donc, mais le simple exposé d’une gigantesque combinaison d’arnaques, les trous du plan de départ étant comblés lorsque le spectateur découvre sa réalisation, laquelle ne s’embarrasse pas de vraisemblance. Au fond, le film est basé sur la seule jubilation de la machination, de l’anéantissement mathématique d’un sinistre guignol. On biche de voir Pacino avaler humiliation sur humiliation.
Un programme aussi ténu rend évidemment le souvenir du film tout à fait volatil ; et encore fallait-il l’exécuter sans lourdeur. Soderbergh y parvient, tout d’abord à coup de vannes destinées à nous empêcher absolument de prendre le film au sérieux : blagues sur la vie privée des interprètes, allusions aux premiers films de la série et à quelques classiques du cinéma. De façon plus importante, les ellipses du montage, et les trouvailles formelles permanentes de la mise en scène lui insufflent un tempo sautillant et un brio visuel qui flattent la cinéphilie du public. Eclairages aux couleurs tranchées et parfois audacieuses, recadrages inattendus, mélange de professionnalisme léché et de spontanéité singeant le documentaire nous titillent les pupilles. On pourrait par exemple décrire le très beau premier plan, vraiment délicieux dans sa gratuité. Plan large des rayonnages d’un magasin quelconque. Descend du plafond un cambrioleur adéquatement masqué, sans qu’il nous soit jamais révélé comment il est arrivé là. Il commence à slalomer entre les présentoirs, suivi en souplesse par la steadycam, et finit par aboutir devant la porte d’un gigantesque coffre-fort totalement incongru à cet endroit. Deux complices l’attendent là, surprenant le spectateur qui croyait avoir affaire à la première intrusion sur les lieux. Il pose sur la porte une sorte de gadget à rayons X qui en dévoile les engrenages, et au moment où il s’apprête à démontrer son savoir-faire, son portable sonne. Il écoute deux phrases, et salue ses complices : « Excusez-moi, je dois y aller » — avant de s’en aller. Le tout, sauf erreur, dans la continuité. Bien entendu, de ce cambriolage inaugural il ne sera plus jamais question. Le film, dans ses meilleurs moments, est à l’image de cette ouverture : autodestructeur, loufoque et sans conséquences.
Quand donc Soderbergh, manifestement échaudé par l’échec de Solaris, tombera-t-il le masque et cessera-t-il de se cacher derrière des expériences rigolotes pour nous livrer le grand film dont on l’imagine capable ?
Pays : Etats-Unis
Durée : 2h02
Date de sortie : 20 juin 2007
Scénario : Brian Koppelman, David Levien, George Clayton Johnson, Jack Golden Russell
Assistant réalisateur : Gregory Jacobs
Production : Jerry Weintraub, George Clooney, Steven Soderbergh
Décors : Philip Messina
Photographie : Peter Andrews aka Steven Soderbergh
Son : Paul Ledford
Montage : Stephen Mirrione
Effets visuels : Thomas J. Smith
Musique : David Holmes
Rusty Ryan : Brad Pitt
Linus Caldwell : Matt Damon
Willie Bank : Al Pacino
Abigail Sponder : Ellen Barkin
Reuben Tishkoff : Elliott Gould
Frank Catton : Bernie Mac
Basher Tarr : Don Cheadle
Saul Bloom : Carl Reiner
Yen : Shaobo Qin
Livingston Dell : Eddie Jemison
Virgil Malloy : Casey Affleck
Turk Malloy : Scott Caan
Terry Benedict : Andy Garcia
Roman Nagel : Eddie Izzard
Caldwell : Bob Einstein
Very Unimportant Person : David Paymer
François Toulour : Vincent Cassel
Nestor et son frère : Luis Chavez
Dans son propre rôle : Oprah Winfrey
Denny Shields : Jerry Weintraub
La bande des onze virtuoses du cambriolage qui reconnaît Danny Ocean comme chef va être réunie une troisième fois pour des raisons de pure amitié. Roulé dans la farine par un promoteur véreux, Willie Bank, avec qui il s’était associé, Reuben, le vice-doyen du groupe, fait un malaise cardiaque qui manque de lui être fatal. Afin de lui redonner le goût de vivre, ses dix complices décident de le venger. Malgré la tchatche faussement débonnaire que lui insuffle Al Pacino, Willie Bank ne saurait être un danger bien redoutable. George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon et même Andy Garcia se serrent les coudes face à lui, et le scénariste est de leur côté.
Deux principes des deux premiers volets sont abandonnés : tout d’abord, il ne s’agit plus de gagner de l’argent mais d’en faire perdre à l’adversaire (en détraquant le casino de son nouvel hôtel), désintéressement qui permettra d’ailleurs à la bande d’Ocean d’éviter l’un des principaux pièges de la sécurité, je ne vous dis pas comment ; ensuite, il n’est plus guère question de manipuler l’image. Plus d’entourloupe donc, mais le simple exposé d’une gigantesque combinaison d’arnaques, les trous du plan de départ étant comblés lorsque le spectateur découvre sa réalisation, laquelle ne s’embarrasse pas de vraisemblance. Au fond, le film est basé sur la seule jubilation de la machination, de l’anéantissement mathématique d’un sinistre guignol. On biche de voir Pacino avaler humiliation sur humiliation.
Un programme aussi ténu rend évidemment le souvenir du film tout à fait volatil ; et encore fallait-il l’exécuter sans lourdeur. Soderbergh y parvient, tout d’abord à coup de vannes destinées à nous empêcher absolument de prendre le film au sérieux : blagues sur la vie privée des interprètes, allusions aux premiers films de la série et à quelques classiques du cinéma. De façon plus importante, les ellipses du montage, et les trouvailles formelles permanentes de la mise en scène lui insufflent un tempo sautillant et un brio visuel qui flattent la cinéphilie du public. Eclairages aux couleurs tranchées et parfois audacieuses, recadrages inattendus, mélange de professionnalisme léché et de spontanéité singeant le documentaire nous titillent les pupilles. On pourrait par exemple décrire le très beau premier plan, vraiment délicieux dans sa gratuité. Plan large des rayonnages d’un magasin quelconque. Descend du plafond un cambrioleur adéquatement masqué, sans qu’il nous soit jamais révélé comment il est arrivé là. Il commence à slalomer entre les présentoirs, suivi en souplesse par la steadycam, et finit par aboutir devant la porte d’un gigantesque coffre-fort totalement incongru à cet endroit. Deux complices l’attendent là, surprenant le spectateur qui croyait avoir affaire à la première intrusion sur les lieux. Il pose sur la porte une sorte de gadget à rayons X qui en dévoile les engrenages, et au moment où il s’apprête à démontrer son savoir-faire, son portable sonne. Il écoute deux phrases, et salue ses complices : « Excusez-moi, je dois y aller » — avant de s’en aller. Le tout, sauf erreur, dans la continuité. Bien entendu, de ce cambriolage inaugural il ne sera plus jamais question. Le film, dans ses meilleurs moments, est à l’image de cette ouverture : autodestructeur, loufoque et sans conséquences.
Quand donc Soderbergh, manifestement échaudé par l’échec de Solaris, tombera-t-il le masque et cessera-t-il de se cacher derrière des expériences rigolotes pour nous livrer le grand film dont on l’imagine capable ?
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- LIENS INTERNET
- FICHE TECHNIQUE
Pays : Etats-Unis
Durée : 2h02
Date de sortie : 20 juin 2007
Scénario : Brian Koppelman, David Levien, George Clayton Johnson, Jack Golden Russell
Assistant réalisateur : Gregory Jacobs
Production : Jerry Weintraub, George Clooney, Steven Soderbergh
Décors : Philip Messina
Photographie : Peter Andrews aka Steven Soderbergh
Son : Paul Ledford
Montage : Stephen Mirrione
Effets visuels : Thomas J. Smith
Musique : David Holmes
- DISTRIBUTION
Rusty Ryan : Brad Pitt
Linus Caldwell : Matt Damon
Willie Bank : Al Pacino
Abigail Sponder : Ellen Barkin
Reuben Tishkoff : Elliott Gould
Frank Catton : Bernie Mac
Basher Tarr : Don Cheadle
Saul Bloom : Carl Reiner
Yen : Shaobo Qin
Livingston Dell : Eddie Jemison
Virgil Malloy : Casey Affleck
Turk Malloy : Scott Caan
Terry Benedict : Andy Garcia
Roman Nagel : Eddie Izzard
Caldwell : Bob Einstein
Very Unimportant Person : David Paymer
François Toulour : Vincent Cassel
Nestor et son frère : Luis Chavez
Dans son propre rôle : Oprah Winfrey
Denny Shields : Jerry Weintraub
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