Shrek le troisième, de Chris Miller et Raman Hui *

Troisième volet des aventures de l’ogre vert aux oreilles de Martien et aux odeurs corporelles envahissantes, Shrek le troisième s’inscrit paresseusement dans la veine joyeusement parodique de la saga qui, tout en moquant les clichés du genre, a fini par installer les siens propres.

Shrek et sa fiancée couleur de pomme, Fiona, princesse du royaume Fort Fort Lointain, coulent des jours heureux. Hélas, les jours du roi Grenouille, père de Fiona, sont comptés, et Shrek, qui assure la régence, se rapproche bien malgré lui d’un trône pour lequel il ne se sent aucune disposition particulière. Apprenant de la bouche du mourant l’existence d’un héritier lointain mais vraiment pas doué, Arthur, il part à la recherche du jeune homme pour le couronner roi de Fort Fort Lointain, cependant que le prince Charmant, qui vit d’expédients depuis que Shrek lui a volé sa place dans le schéma actanciel des contes de fées, fomente un coup d’Etat en profitant de la vacance du pouvoir.

La trame narrative du film est parfaitement classique, et pourrait valoir dans la mesure où elle viendrait parasiter les situations centrales des contes évoqués ; mais ce n’est pas le cas : la parodie porte essentiellement sur les personnages, sans qu’elle ait vraiment de poids sur l’intrigue. Ainsi, la schizophrénie de Cendrillon, les talents artistiques du capitaine Crochet, sont source de gags mais ne jouent aucun rôle dans l’intrigue elle-même. Les personnages centraux, moins référencés, s’épuisent un peu : l’âne notamment est l’ombre de lui-même. Au bout du compte, l’univers de la fiction peine à se renouveler.

Cela n’empêche pas de belles trouvailles : la scène hilarante de l’interrogatoire de Pinocchio, les siestes irrépressibles de la Belle au bois dormant, et autres. Globalement, pourtant, le film, sans ennuyer, déçoit. Une raison peut être cherchée dans la fiche technique ci-dessous, où je vous épargne pourtant la liste longue comme le bras des divers chargés de production : deux réalisateurs et six scénaristes, selon une coutume bien établie à Hollywood où le travail délicat et important d’un film d’animation requiert la plus grande précision, c’est, trop souvent — et c’est ici le cas —, l’impossibilité pour une œuvre de refléter la moindre personnalité. A quoi bon deux réalisateurs si, pour l’essentiel — à part quelques jeux assez fins sur le hors-champ —, le film se contente de poser les personnages numériques dans leur décor numérique, et d’illustrer ainsi le scénario et le travail du directeur artistique (qui a particulièrement soigné les effets de lumière) en changeant de plan de temps en temps ?

On peut donc regretter qu’Andrew Adamson, pris par d’autres aventures, se soit plus mollement impliqué dans ce nouveau volet. Shrek le troisième est un film à l’esthétique absolument calibrée, classique, insipide, alors même qu’il prétend à la fantaisie débridée. On peut même dire, au fond, que les auteurs, parfaitement à l’aise dans leur petit monde informatique, ont oublié qu’il leur incombait de lui donner une forme cinématographique. Peut-être Shrek le troisième serait-il plus plaisant sous forme d’un monde virtuel à explorer en ligne. On ne comprend pas vraiment ce qu’il vient faire sur nos écrans de cinéma.

Etienne Mahieux

  • BANDE ANNONCE



  • LIENS INTERNET
Site officiel

  • FICHE TECHNIQUE
Pays : Etats-Unis
Titre original : Shrek the third
Date de sortie : 13 juin 2007
Durée : 1h32
Scénario : Andrew Adamson, Jeffrey Price, Peter S. Seaman, J. David Stern, David N. Weiss, Jon Zack
D’après le livre de : William Steig
Production : Andrew Adamson, Denise Nolan Cascino, Aron Warner, John H. Williams
Direction artistique : Guillaume Aretos
Son : Blake R. Cornett, Craig Heath, Richard L. Anderson, Thomas Jones
Effets visuels : Ken Bielenberg
Montage : Michael Andrews, Joyce Arrastia
Musique : Harry Gregson-Williams

  • DISTRIBUTION
Avec les voix (VO) de :

Mike Myers (Shrek)
Eddie Murphy (L’âne)
Antonio Banderas (Le chat Potté)
Cameron Diaz (Fiona)
Rupert Everett (Prince Charmant)
Justin Timberlake (Arthur)
Julie Andrews (La reine Lillian)
John Cleese (Le roi Grenouille)
Eric Idle (Merlin)
Larry King (Doris)
Ian McShane (Crochet)
Guillaume Aretos (Raùl)

et (VF) de :

Alain Chabat (Shrek)
Med Hondo (L’âne)
Boris Rehlinger (Le chat Potté)
Barbara Tissier (Fiona)
Bernard Alane (Merlin)

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3 Commentaires

Une seule étoile ?
Nous lui en aurions donné trois ! Ou... peut-être deux...
Nous avons été assez bon public en fait, et avons passé un très bon moment à la vue de ce film. Sans être véritablement le meilleur épisode de la saga, Shrek le troisième nous offre quelques bonnes tranches de fou-rire (le rêve délirant de Shrek envahi par des bébés casse-cou et rieurs, l'interrogatoire de Pinocchio...) :D .
Ceci dit, le petit spectateur ne peut éviter une impression de déjà-vu :hum: , mais... quel régal de retrouver les facéties de l'Âne et du Chat-Potté !! :haha Et quels graphismes !!!
Bon, ça ne suffit pas mais c'est déjà pas mal. Et puis quand on est lessivé d'une semaine de boulot, on est forcément plus apte à apprécier ce genre de comédie !!

Je ne peux qu'appeler au retour des "Chamailleries rédactionnelles" ! :haha

Comme tu le signales dans ton dernier paragraphe, il y a aussi une question de contexte. Et mon contexte à moi, comme les internautes le sauront très bientôt, c'était Persepolis. :coeur

C'est sûr que dans Persépolis, dessiné au feutre à l'ancienne, chaque poil de chat n'est pas animé... Mais il y a une composition visuelle permanente, qui est précisément ce qui fait défaut à ce troisième Shrek du nom...

Effectivement, je comprends qu'après avoir vu Persepolis tu n'aies pas beaucoup apprécié Shrek !!
Finalement c'est un peu comme le fromage : il faut commencer par le plus fade pour ensuite savourer le fromage de caractère !!

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