In the mood for love, de Wong Kar-Wai * * * *

Hong-Kong, 1962. Dans deux appartements voisins et vaguement collectifs, deux couples emménagent le même chour, les Chow et les Chan. M. Chan et Mme Chow sont souvent absents, et assez vite l’évidence s’impose : ils sont absents ensemble. Désemparés, les deux malheureux cocus cuvent leur solitude. Ensemble aussi, mais pas vraiment : ils ne veulent pas devenir ce que les autres sont devenus.

Le nouveau film de Wong Kar-Wai débute comme une chronique réaliste, stylisée par des décors étouffants, mais sans grandes prétentions lyriques. Soudain, ralentis et musique : nous voici envoyés soudain dans un autre espace, musical et mental. Le contraste est, au début, assez désagréable, car le lyrisme sent encore l’artifice. Petit à petit, la mise en scène devenant de plus en plus complexe, les deux mondes de In the mood for love vont se rejoindre. Je décris cela de façon exclusive, mais il est évident que, de même que la séparation des deux styles n’était pas absolue au début, leur fusion ne sera pas parfaite à la fin ; d’où l’impression de vie, sans doute, qui se dégage de ce film quasi abstrait centré sur deux amants peu loquaces, dont les audaces les plus grandes consistent à imaginer ce qui se passe entre leurs époux respectifs, ou à répéter ensemble les scènes de rupture dont ils rêvent.

Le résultat est très beau, d’autant que Wong Kar-Wai a choisi, parmi ses fidèles, les deux acteurs par excellence qui convenaient à son projet : la mélancolie naturelle de Tony Leung, déjà admirablement exploitée par Hou Hsiao-Hsien dans Les Fleurs de Shanghaï, et la fragile langueur de Maggie Cheung, immensément raide sous sa choucroute années 60 et dans ses fourreaux à fleurs, aux antipodes des rôles de ludion candide que lui ont confié ces dernières années les cinéastes français, leur permettent à tous deux de dessiner des figures inoubliables, qui sans cesser de nous émouvoir deviennent le principe graphique de la mise en scène de Wong.

Peut-être faut-il regretter, inventif et inspiré au point de parvenir à confondre presque absolument la matière et la manière de son film, ne puisse se retenir d’un certain épanchement sentimental qui alourdit parfois sérieusement In the mood for love ; il y a peut-être un certain snobisme de la part de certains de mes collègues à lui pardonner ce qu’ils trouvent inexcusable chez Claude Lelouch, par exemple. Les limites d’une esthétique doivent être remarquées, mais ne se se situent pas forcément pour autant à ras du sol.

Cet article a paru pour la première fois dans
Le Petit spectateur — papier n°90 (novembre et décembre 2000, janvier 2001)

Etienne Mahieux


  • BANDE ANNONCE


  • FICHE TECHNIQUE
Titre original : Fa yeung nin wa
Pays : Hong-Kong / France
Date de sortie : 8 novembre 2000
Durée : 1h38
Scénario : Wong Kar-Wai
Production : Wong Kar-Wai, William Chang, Jacky Pang Yee-Wah
Décors : William Chang Suk-Ping
Photographie : Christopher Doyle, Mark Li Ping Bing
Montage : William Chang Suk-Ping
Musique : Michael Galasso

  • DISTRIBUTION
Chan Li-Zhen : Maggie Cheung
Chow Mo-Wan : Tony Leung Chiu-Wai
Ping Lam-Siu : Ah Ping
Mme Suen : Rebecca Pan
Mr. Ho : Lai Chen

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1 Commentaire

Film éblouissant, mais esthétiquement trop parfait à mon goût...

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