Le Monde de Narnia Chapitre 2 : Prince Caspian, d'Andrew Adamson * *

Le genre de la « fantaisie héroïque » domine nettement, depuis les triomphes commerciaux du Seigneur des anneaux et de Harry Potter, la production hollywoodienne à destination des familles, qui investit les écrans de cinéma au moment de Noël et des grandes vacances. Adapté d’un classique de la littérature anglo-saxonne pour la jeunesse, ce deuxième volet du Monde de Narnia s’inscrit honnêtement dans le genre mais manque de personnalité.

Rappelons le principe des romans de C.S. Lewis : de temps en temps, quelques heureux mortels parviennent à franchir la frontière qui séparent notre monde du monde parallèle de Narnia ; parmi eux, quatre frères et sœurs, Peter, Susan, Edmund et Lucy Pevensie, qui vivent ordinairement dans l’Angleterre de la Seconde guerre mondiale. Dans ce deuxième volet, c’est dans une station de métro que les portes de Narnia s’ouvrent à nouveau à eux ; il s’agit de permettre au jeune prince Caspian d’unir à nouveau, sous sa juste couronne, les créatures fantastiques de Narnia, et les humains du peuple des Telmarines, dont les rois successifs ont jusqu’ici combattu, et presque anéanti, les êtres légendaires.

Le propos des romans de Lewis est double. Il s’agit tout d’abord d’une apologie à peine déguisée de la religion chrétienne, les héros trouvant force et appui auprès d’un lion, Aslan, qui est une représentation à peine voilée du Christ : il se sacrifiait et ressuscitait dans Le Lion, la Sorcière blanche et l’armoire magique ; ici, il figure le Dieu absent qui attend des humains la foi et l’espérance. Mais par ailleurs, il s’agit typiquement d’un récit des temps de guerre : les quatre enfants Pevensie fuient la violence réelle du conflit, et se réfugient dans l’imaginaire, où ils apprennent le courage et l’esprit de résistance sur le mode symbolique.

Tel qu’Andrew Adamson l’a traité, ce deuxième volet se révèle plus sombre que le premier. L’enchantement se fait rare, les créatures mythologiques se terrent ; la structure de l’intrigue n’est plus la découverte d’un monde enchanté, comme dans le premier chapitre, mais plutôt un récit épique et chevaleresque des plus classiques. Cela permet au cinéaste de filmer sans apprêts excessifs les superbes paysages de République Tchèque et de Nouvelle-Zélande où il a planté ses décors, avec un naturel qui manque trop souvent à l’étouffant Seigneur des anneaux. Il n’en tire toutefois, en général, qu’un joli livre d’images, qui évite globalement l’emphase, mais qui se contente d’aligner consciencieusement les figures de style attendues dans une épopée hollywoodienne des années 2000. Rarement, il se souvient qu’il fut l’auteur de Shrek : deux ou trois séquences (notamment autour du personnage de Reepicheep, la souris chevaleresque) montrent un humour intact, qui ne compense pas le sérieux parfois balourd de l’ensemble. L’interprétation est inégale : Sergio Castellitto, en imposteur traître et félon de service, et ses acolytes, sont savoureux et ruisselants de vilenie, les deux interprètes les plus jeunes (Georgie Henley et Skandar Keynes) apportent à leurs personnages une conviction qui est judicieusement mise en perspective par l’intrigue (eux seuls auront le droit de retourner à Narnia, leurs aînés sont en train de devenir des grandes personnes trop sérieuses pour cela) ; par contre les trois autres, spécialement les poupins William Moseley et Anna Popplewell, sont passablement inexpressifs.

Cette sage illustration, limitée peut-être par ce que le studio Disney est prêt à accepter, révèle de façon inattendue le caractère composite de cet univers fantastique. Ami et confrère de J.R.R. Tolkien, Lewis a comme lui joué à mêler dans un grand shaker postmoderne les éléments de diverses mythologies ; mais précisément, Narnia est le monde qui les accueille à égalité sans se soucier de leur cohérence. La fin de ce deuxième volet est même une réécriture évidente de celle de Macbeth. Cela permet aux auteurs de représenter une démocratie libérale moderne, face à la menace fascisante des Telmarines dont ils soulignent l’unité ethnique. Mais cela empêche une adhésion vraiment complète au film : on voit trop les coutures. On peut toujours faire semblant de faire semblant d’y croire.

Etienne Mahieux

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  • FICHE TECHNIQUE
Pays : Etats-Unis / Angleterre
Durée : 2h23
Date de sortie : 25 juin 2008
Titre original : The Chronicles of Narnia — Prince Caspian
Scénario : Andrew Adamson, Christopher Markus, Steve McFeeley
D’après le roman de : C.S. Lewis
Assistant réalisateur : K.C. Hodenfield
Production : Andrew Adamson, Mark Johnson, Philip Steuer, Perry Moore, Douglas Gresham
Décors : Roger Ford
Photographie : Karl Walter Lindenlaub
Son : James Boyle
Montage : Josh Campbell, Sim Evan-Jones
Effets visuels : Wendy Rogers, Dean Wright
Musique : Harry Gregson-Williams

  • DISTRIBUTION
Lucy Pevensie : Georgie Henley
Peter Pevensie : William Moseley
Susan Pevensie : Anna Popplewell
Edmund Pevensie : Skandar Keynes
Caspian : Ben Barnes
Miraz : Sergio Castellitto
Trompillon : Peter Dinklage
Nikabrik : Warwick Davis
Le Professeur Cornelius : Vincent Grass
Le Général Glozelle : Pier Francesco Favino
Sopespian : Damian Alcazar
Glenstorm : Cornell S. John
La Sorcière blanche : Tilda Swinton
Voix de Reepicheep : Eddie Izzard
Voix d’Aslan : Liam Neeson
Voix de l’écureuil : Harry Gregson-Williams

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