Vicky Cristina Barcelona, de Woody Allen * * * *
En Espagne, on peut marcher sous le soleil entre des monuments néo-baroques, écouter de la guitare sous les étoiles, succomber à la séduction vénéneuse des enfants de la Méditerrannée, mais peut-on rencontrer l’amour ? Voici le point de vue amer et rieur d’un Woody Allen pompette comme un touriste américain qui sort d’un bar à tapas.
Deux étudiantes américaines, la brune et pâle Vicky qui poursuit un très sérieux master de civilisation catalane, et la blonde et épanouie Cristina qui esquisse une carrière artistique velléitaire, profitent d’une occasion généreuse pour passer deux mois à Barcelone. La caméra de Woody Allen les cueille à l’aéroport et d’un délicieux travelling circulaire et dansant les accompagne jusqu’au taxi. C’est parti ! Bientôt, à un vernissage, les deux amies font la connaissance d’un peintre, Juan Antonio, qui leur propose la botte à titre collectif sous forme d’un week-end à Oviedo…
L’opposition des tempéraments entre Vicky et Cristina, et la conclusion inattendue du séjour libertin dans les Asturies, ne laissent aucun doute : Woody Allen réussit ici ce qu’il avait raté dans le schématique et timide Melinda et Melinda. Naviguer entre comédie et drame, euphorie et mélancolie, tel est le programme du souple et audacieux Vicky Cristina Barcelona.
La mise en scène de Woody Allen est une merveille de tendresse et d’inventivité. Les décadrages appellent les personnages dans le champ, les déplacements de la caméra ou le split-screen révèlent leur isolement, chacun dans sa bulle… Chaque duo amoureux est l’occasion d’une trouvaille, qui distingue la scène de toutes ses sœurs du film, et notamment de très belles variations sur le champ-contrechamp, qu’un lent travelling nous fasse aller de l’un à l’autre ou qu’ils soient montés avec des fondus-enchaînés systématiques, dans la minute qui mène au premier baiser de Vicky et Juan Antonio, traité lui-même comme un envahissement de l’écran par l’ombre. Le tout est exécuté avec précision et légèreté.
Le film dans son ensemble — et c’est une caractéristique de l’art de Woody Allen, que l’on songe à des films aussi différents que Manhattan, Maris et femmes, Coups de feu sur Broadway ou Match point — procure au spectateur une sensation cohérente, un peu comme un vin (et l’on boit beaucoup dans Vicky Cristina Barcelona) : ici, une sorte de quiétude douce et très légèrement granuleuse. La voix off qui commente les états d’âme des deux héroïnes enregistre également avec placidité les menues variations de leur emploi du temps. On s’étonne un temps que Woody Allen ne l’ait pas enregistrée lui-même, mais son timbre chaud et pondéré est en fait précisément choisi en contraste avec la diction affolée du maître à lunettes. Portées par cette aimable atmosphère, Vicky et Cristina se retrouvent coincées dans des situations particulièrement tordues, compliquées encore par le surgissement de Maria Elena, l’ex-femme suicidaire de Juan Antonio. On part simplement en vacances d’été, et on se retrouve dans un ménage à trois sans presque avoir eu l’impression qu’il s’était passé quelque chose…
Bien sûr, c’est trompeur : la parenthèse enchantée des vacances n’est pas sans conséquences. On apprend à mesurer le désarroi de l’hédoniste Juan Antonio, l’angoisse de la pétulante Cristina, le romantisme de la très raisonnable Vicky, qui se retrouvent tous à jouer avec le feu. On ne badine pas avec l’amour, susurre en sourdine un vieux sage joueur, qui recombine les clichés sur l’Espagne et sur l’upper class américaine comme il ferait les personnages de la commedia dell’arte, et dont le regard de jeune homme s’illumine devant la touchante Rebecca Hall, la vitalité de Scarlett Johansson, une Penélope Cruz impayable en hystérique, et Javier Bardem, qu’on est ravi, après les films de Forman et des frères Coen, de revoir dans un rôle tout en finesse.
Titre original : Vicky Cristina Barcelona
Durée : 1h36
Date de sortie : 8 octobre 2008
Scénario : Woody Allen
Assistant réalisateur : Daniela Forn
Production : Letty Aronson, Stephen Tenenbaum, Gareth Wiley, Jack Rollins, Charles H. Joffe
Décors : Alain Bainée
Photographie : Javier Aguirresarobe
Son : Robert Hein
Montage : Alisa Lepselter
Cristina : Scarlett Johansson
Juan Antonio : Javier Bardem
Maria Elena : Penélope Cruz
Judy Nash : Patricia Clarkson
Doug : Chris Messina
Mark Nash : Kevin Dunn
Julio : Josep Maria Domènech
Ben : Pablo Schreiber
Le narrateur : Christopher Evan Welch
Deux étudiantes américaines, la brune et pâle Vicky qui poursuit un très sérieux master de civilisation catalane, et la blonde et épanouie Cristina qui esquisse une carrière artistique velléitaire, profitent d’une occasion généreuse pour passer deux mois à Barcelone. La caméra de Woody Allen les cueille à l’aéroport et d’un délicieux travelling circulaire et dansant les accompagne jusqu’au taxi. C’est parti ! Bientôt, à un vernissage, les deux amies font la connaissance d’un peintre, Juan Antonio, qui leur propose la botte à titre collectif sous forme d’un week-end à Oviedo…
L’opposition des tempéraments entre Vicky et Cristina, et la conclusion inattendue du séjour libertin dans les Asturies, ne laissent aucun doute : Woody Allen réussit ici ce qu’il avait raté dans le schématique et timide Melinda et Melinda. Naviguer entre comédie et drame, euphorie et mélancolie, tel est le programme du souple et audacieux Vicky Cristina Barcelona.
La mise en scène de Woody Allen est une merveille de tendresse et d’inventivité. Les décadrages appellent les personnages dans le champ, les déplacements de la caméra ou le split-screen révèlent leur isolement, chacun dans sa bulle… Chaque duo amoureux est l’occasion d’une trouvaille, qui distingue la scène de toutes ses sœurs du film, et notamment de très belles variations sur le champ-contrechamp, qu’un lent travelling nous fasse aller de l’un à l’autre ou qu’ils soient montés avec des fondus-enchaînés systématiques, dans la minute qui mène au premier baiser de Vicky et Juan Antonio, traité lui-même comme un envahissement de l’écran par l’ombre. Le tout est exécuté avec précision et légèreté.
Le film dans son ensemble — et c’est une caractéristique de l’art de Woody Allen, que l’on songe à des films aussi différents que Manhattan, Maris et femmes, Coups de feu sur Broadway ou Match point — procure au spectateur une sensation cohérente, un peu comme un vin (et l’on boit beaucoup dans Vicky Cristina Barcelona) : ici, une sorte de quiétude douce et très légèrement granuleuse. La voix off qui commente les états d’âme des deux héroïnes enregistre également avec placidité les menues variations de leur emploi du temps. On s’étonne un temps que Woody Allen ne l’ait pas enregistrée lui-même, mais son timbre chaud et pondéré est en fait précisément choisi en contraste avec la diction affolée du maître à lunettes. Portées par cette aimable atmosphère, Vicky et Cristina se retrouvent coincées dans des situations particulièrement tordues, compliquées encore par le surgissement de Maria Elena, l’ex-femme suicidaire de Juan Antonio. On part simplement en vacances d’été, et on se retrouve dans un ménage à trois sans presque avoir eu l’impression qu’il s’était passé quelque chose…
Bien sûr, c’est trompeur : la parenthèse enchantée des vacances n’est pas sans conséquences. On apprend à mesurer le désarroi de l’hédoniste Juan Antonio, l’angoisse de la pétulante Cristina, le romantisme de la très raisonnable Vicky, qui se retrouvent tous à jouer avec le feu. On ne badine pas avec l’amour, susurre en sourdine un vieux sage joueur, qui recombine les clichés sur l’Espagne et sur l’upper class américaine comme il ferait les personnages de la commedia dell’arte, et dont le regard de jeune homme s’illumine devant la touchante Rebecca Hall, la vitalité de Scarlett Johansson, une Penélope Cruz impayable en hystérique, et Javier Bardem, qu’on est ravi, après les films de Forman et des frères Coen, de revoir dans un rôle tout en finesse.
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- FICHE TECHNIQUE
Titre original : Vicky Cristina Barcelona
Durée : 1h36
Date de sortie : 8 octobre 2008
Scénario : Woody Allen
Assistant réalisateur : Daniela Forn
Production : Letty Aronson, Stephen Tenenbaum, Gareth Wiley, Jack Rollins, Charles H. Joffe
Décors : Alain Bainée
Photographie : Javier Aguirresarobe
Son : Robert Hein
Montage : Alisa Lepselter
- DISTRIBUTION
Cristina : Scarlett Johansson
Juan Antonio : Javier Bardem
Maria Elena : Penélope Cruz
Judy Nash : Patricia Clarkson
Doug : Chris Messina
Mark Nash : Kevin Dunn
Julio : Josep Maria Domènech
Ben : Pablo Schreiber
Le narrateur : Christopher Evan Welch
4 Commentaires
28 décembre 2008 à 21:12
Je lui aurais donné trois étoiles. C'est un film agréable mais pas aussi fin que les deux précédents (absolument géniaux). Une petite douceur en attendant (j'espère) un prochain Allen digne de ce nom !!!
29 décembre 2008 à 08:08
Tu comptes "Scoop" ou tu penses à "Match point" et "Le Rêve de Cassandre" ?
30 décembre 2008 à 12:49
En fait je pensais à "Match point" et "Scoop", je n'ai pas vu "Le Rêve de Cassandre"...
30 décembre 2008 à 19:44
Bref, "Match point" est génial. Nous sommes d'accord.
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