Mia et le Migou, de Jacques-Rémy Girerd * * *

Deux enfants obstinés, l’une à la recherche de son père, l’autre plus ou moins contraint d’accompagner le sien, accomplissent une quête initiatique inattendue, sous la protection maladroite d’un monstre drolatique. Comme nombre de dessins animés français, Mia et le Migou conserve une saveur artisanale. A l’ombre de Miyazaki, Jacques-Rémy Girerd fait entendre une petite musique rafraîchissante…

Sur une Terre en proie à un réchauffement climatique qui devient insupportable, un groupe d’ouvriers travaille pour le compte du cynique entrepreneur Jekhide à la construction d’un complexe de loisirs dans l’un des rares endroits encore vraiment agréables de la planète, protégé par son altitude. D’étranges événements perturbent le chantier jusqu’à ce qu’un effondrement bloque un ouvrier, Pedro, dans une galerie de mine. Au fin fond de l’Amérique du Sud, sa fille, Mia, alertée par un pressentiment, part à la recherche de son père.

Le début de Mia et le Migou navigue à vue avec un beau sens de la vague et du vent entre un monde de fantaisie et la dénonciation joyeuse des travers de notre société ; Mia est issue d’un monde sans âge encore éloigné de la modernité, cependant que Jekhide vit dans une métropole moderne où, selon la pente néolibérale de la société, tout est à vendre, mais qui contraste surtout agréablement avec la sobre vie des collines par l’irruption dans le film de nos modes et de nos travers les plus contemporains : ainsi la mère du promoteur succombe au démon de midi et part en vacances avec un rappeur bodybuildé.

Le scénario fait se rejoindre, environ à la moitié de son déroulement, plusieurs fils narratifs que Jacques-Rémy Girerd avait jusqu’ici laissé se dérouler à part. C’est alors que le ton change : Mia rencontre le Migou, une boule de bonne volonté plurielle et pas très maligne — et légèrement ch’timie par ailleurs, qui l’initie aux secrets de la montagne lotie par Jekhide.

Dès lors le film se ressent énormément de l’influence de Miyazaki, qui était déjà repérable dans sa construction dramatique : dès lors qu’intervient un merveilleux quelque peu mythologique au service d’une vision profondément écologiste, il est très difficile de ne pas penser en permanence au maître nippon. D’ailleurs on sent que Girerd se retient de mentionner son nom : alors que l’investisseur russe qui s’apprête à financer les projets de Jekhide s’appelle Starevitch (comme le génial auteur du Roman de Renard), son homologue japonais se nomme… Mizoguchi, la langue a failli fourcher.

Il est difficile de se mesurer à une telle aune. On ne peut du coup que remarquer que les personnages, s’ils sont très correctement développés, demeurent quelque peu schématiques dans leurs motivations parfois manichéennes — pour le coup le Migou échappe à ce genre de catégories. Et les scènes les plus spectaculaires sont parfois affectées d’une relative raideur de mise en scène, alors que l’animation proprement dite reste toujours naturelle.

Ne croyez pas pourtant que Mia et le Migou soit un film médiocre. Si c’est clairement l’œuvre d’un disciple, le disciple a du talent. Le point culminant de l’histoire — une bataille autour d’un arbre étrange qui pousse à l’envers, et dont l’état est reflété par celui du monde et des êtres qui l’entourent — est remarquable par la force d’une imagination qui ne cède jamais à la démagogie.

Et surtout, Girerd impose un univers visuel propre. Il tire parti de sa fragilité économique et choisit de conserver aux décors et aux personnages un caractère de croquis, de ne jamais lutter contre leur caractère dessiné. Il ne s’agit pas de brouillons, attention, mais tout simplement d’un univers où l’on sent encore les coups de crayon et de pinceau, à la façon des impressionnistes et des premiers pas du post-impressionnisme. La discrétion et la précision de la mise en scène font vivre ce petit monde de façon naturelle, fraîche et pertinente.

C’est beaucoup puisqu’il s’agit, au bout du compte, d’inventer un mode de vie au sein de la nature, et non pas contre la nature. Que personnages et décors aient la fraîcheur de l’instant, et partagent la même texture légère, c’est l’incarnation même du message du film.

Etienne Mahieux

  • BANDE ANNONCE


  • FICHE TECHNIQUE
Pays : France
Durée : 1h31
Date de sortie : 10 décembre 2008
Scénario : Jacques-Rémy Girerd, Antoine Lanciaux, Iouri Tcherenkov, Benoît Chieux
Assistants réalisateur : Flore Poinsard, Marc Robinet
Production :
Jacques-Rémy Girerd
Direction artistique : Jacques-Rémy Girerd, Benoît Chieux
Décors : Gaël Brisou
Animation : Antoine Lanciaux
Photographie : Benoît Razy
Son : Loïc Burkhardt
Montage : Hervé Guichard
Musique : Serge Besset, Mickey 3D, Olivia Ruiz

  • DISTRIBUTION
Avec les voix de :
Mia : Garance Lagraa
Aldrin : Charlie Girerd
Le(s) migou(s) : Dany Boon
Jekhide : Laurent Gamelon
Pedro : Pierre Richard
Les tantines et la sorcière : Yolande Moreau
Nénesse : Jean-Pierre Coffe
Baklava : Romain Bouteille
Malakof : Jean-François Derec
Juliette : Miou Miou
et Maïté

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