The Wrestler, de Darren Aronofsky * * * * *

The Wrestler, le nouveau film de Darren Aronofsky, est de ces films qui bouleversent aussi bien le corps et l’âme et qu’il est souvent difficile – voire impossible – d’oublier. La projection de ce film transcende rapidement l’expérience visuelle et sonore pour atteindre l’expérience sensorielle. On retient son souffle du début à la fin. Et lorsque les lumières se rallument, on se retrouve groggy, comme écrasé par le poids de Mickey Rourke.

Mickey Rourke. Le retour du mythe. 22 ans après 9 semaines ½ (Adrian Lyne), il revient. Après les opérations, la boxe, l’alcool. Après le désamour et l’oubli de la profession. Il est là. Défiguré, méconnaissable, mais vivant et plus talentueux que jamais. Le parcours de Randy « The Ram » (le bélier) Robinson, le héros du film qu’il incarne, résonne étrangement avec l’itinéraire de l’acteur. Catcheur vedette des années 80, vingt ans plus tard Randy mène une existence minable. Il traine sa carcasse abîmée de son boulot dans un supermarché à des piteux galas de catch le week-end. Il est seul, incapable de s’occuper de sa fille, vaguement amoureux d’une strip-teaseuse. Aronofsky a-t-il choisi Rourke pour ses ressemblances avec le personnage ou pour son talent d’acteur ? Peu importe. On s’en moque. C’était le meilleur choix possible. Mais Aronofsky ne voue pas un culte à son acteur, bien au contraire. Il le filme tel qu’il est, dans toute sa laideur. Il s’attarde sur les marques laissées par les coups sur son corps. Randy n’est pas un héros. Rourke non plus. Le ton est donné dès l’affiche du film. La tête basse, le visage enfoui sous une chevelure platine, Randy/Rourke semble porter tout le poids de son malheur sur les épaules. Les premiers plans du film agissent également comme un pied de nez au spectateur trop impatient de revoir l’acteur après des années d’absence. Durant de longues minutes il est filmé uniquement de dos, en caméra épaule. La tension est palpable. Et soudain, son visage apparaît. Et le choc est rude ! Mais Rourke tient la route. Du début à la fin, présent dans presque tous les plans, il habite l’écran. Des violents combats de catch à son déchirant mea culpa à sa fille. Il est de ces – rares – acteurs qui ont une véritable aura. De ces génies qui sont capables de tout jouer, sans trop en faire, sans que ça se voie. De ces « gueules cassées » du cinéma qui prennent la lumière mieux que n’importe quel minet qui fait hurler les jeunes filles en fleur.

Mais, on se le sait, un acteur n’est rien sans un réalisateur. Ici, et pour toutes sortes de raisons, Rourke doit tout à Aronofsky. Le réalisateur bande son arc tout au long du film. A chaque minute la corde est un peu plus tendue… Pour finalement se briser dans le plan final. Plan magistral, d’ailleurs. S’il est parfois compliqué de finir un film, de trouver l’image parfaite qui restera dans l’esprit du (petit) spectateur, Aronofsky a réussi. Là où beaucoup ratent. Par ce plan, le réalisateur démontre un peu plus encore son talent. Le réalisateur a ça en lui. Il sait les images qui marqueront le public. Tous ceux qui ont vu Requiem for a dream se rappellent le plan (atroce) du bras gangréné… De ce bras, au corps des catcheurs pendant les combats, le réalisateur démontre sa fascination pour la chair, la viande même. Les corps des strip-teaseuses d’abord. Puis les chairs meurtries et mutilées qui sont au cœur de certains plans mémorables. Les gros plans sur les blessures des lutteurs sont parfois à la limite du soutenable. On se croirait presque devant une toile de Francis Bacon…

Aronofsky maîtrise également l’art de la manipulation du spectateur. Mais la manipulation au sens où il prend le spectateur et l’hypnotise pour l’emmener exactement où il le souhaite. Tout comme il promène sa caméra pour suivre Randy dans toutes les situations de sa vie. Car la caméra épaule joue ici un rôle très important. Si elle témoigne parfois d’un “esthétisme Nouvelle Vague” puant, il n’en est rien dans ce film. Elle apparaît comme le seul compagnon indéfectible de Randy. L’œil qui veille sur lui. « Mes fans sont ce que j’ai de plus cher », hurle-t-il à la foule dans un dernier monologue poignant. La caméra pourrait être un de ses fans. Toujours derrière lui, souvent un peu à la traîne. Le spectateur est ainsi pris dans une occularisation interne, dans le corps de ce fan imaginaire et c’est pourquoi il ne sortira pas indemne de “l’expérience” The Wrestler

Cécile Guthleben

  • BANDE ANNONCE

  • FICHE TECHNIQUE
Pays : Etats Unis
Titre original : The Wrestler
Date de sortie : 18 février 2008
Scénario : Robert D. Siegel
Assistant réalisateur : Richard Graves
Production : Darren Aronofsky, Mark Heyman
Décors : Tim Grimes
Photographie : Maryse Alberti
Son : Ken Ishii
Montage : Andrew Weisblum
Superviseur musical : Jim Black
Coordinateur des cascades : Douglas Crosby

  • DISTRIBUTION
Randy "The Ram" Robinson : Mickey Rourke
Cassidy : Marisa Tomei
Stephanie : Evan Rachel Wood
Scott Brumberg : Judah Friedlander
Medic : Ajay Naidu
Len : Mark Margolis
Wayne : Todd Barry
Nick Volpe : Wass Stevens
The Ayatollah : Ernest Miller (II)
Necro Butcher : Dylan Summers
Tommy Rotten : Tommy Farra
Lex Lethal : Mike Miller
Adam : John D'Leo
le médecin : Ajay Naidu
JAPW Promoter Larry Cohen : Gregg Bello
Greg : Scott Siegel
Spotter : Maurizio Ferrigno
Jen : Donnetta Lavinia Grays
Alyssa : Andrea Langi
Dr. Moayedizadeh : Armin Amiri
Romeo Roselli : Giovanni Roselli
un catcheur : Jon Trosky

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