Anges et démons, de Ron Howard *
Au XVIIe siècle, l’Eglise, dans sa rage inquisitrice, a fait mettre à mort quatre savants plus soucieux du progrès des connaissances que de l’orthodoxie, et qui faisaient partie du groupe des Illuminati. Quatre cents ans plus tard, alors que le Pape vient de mourir et que l’Eglise s’apprête à désigner son successeur, les Illuminati, devenus une société secrète, dérobent une fiole d’antimatière au CERN de Genève et enlèvent quatre papabili à quelques heures de l’ouverture du Conclave. Ils menacent d’en exécuter un par heure à partir de l’ouverture du conclave, et, à la cinquième heure, de rayer le Vatican de la carte grâce à une bombe à antimatière. Robert Langdon, qui travaille à un ouvrage sur les Illuminati, est prié par le Vatican de collaborer à l’enquête, qui n’a plus que le temps de se transformer en course-poursuite.
On retrouve l’un des principes narratifs qui ont fait le succès du Da Vinci code : une ville — cette fois, Rome, comme Paris jadis — est transformée en gigantesque cryptogramme, les plus grands artistes du passé (ici, le Bernin) ayant eu la bonne idée de faire partie d’un groupe secret et de semer des indices dans leurs œuvres. Bien sûr, pour qu’on comprenne tout, les personnages sont obligés de s’expliquer mutuellement ce qu’ils sont largement censés savoir, mais enfin, le jeu en vaut la chandelle. De plus les Illuminati ont bien fait les choses, leurs menaces proposant une haletante structure en cinq actes. Après un début grandiloquent, et avant une fin qui l’est tout autant, même si les effets spéciaux apocalyptiques essaient plus ou moins d’imiter un plafond baroque, Ron Howard a donc les moyens de proposer environ une heure quarante-cinq d’un polar assez nerveux ma foi. Les codes du film d’action y sont appliqués scrupuleusement, parfois un peu trop (dans ce genre de films il ne faut jamais tourner la clef de contact de sa voiture si on tient à la vie), parfois renouvelés par un réalisme bien venu : je pense à la course éclairée à la torche dans les tréfonds du château Saint-Ange. Il y a de bons gags, comme le sort malheureux subi par un fascicule rarissime signé Galilée. Et l’ensemble est d’autant plus spectaculaire que, faute de collaboration ecclésiale, les décors du Vatican ont dû être reconstitués en grandeur réelle (la place Saint-Pierre) ou de manière informatique (la basilique, étrangement et poétiquement vide).
Et puis vient la révélation finale, du genre qui éclaire tout d’un jour nouveau, et qui est censée laisser tout le monde baba. Ron Howard la prépare avec amour, la graisse avec les saints chrêmes les plus essentiels. Sérieusement, la distribution du film est très bien faite, et joue avec les emplois traditionnels d’acteurs aussi capables que Stellan Skarsgård et Armin Mueller-Stahl. L’intérêt que l’on porte à l’histoire doit aussi beaucoup à l’interprétation remarquable d’Ewan McGregor en camerlingue ému et humaniste.
Mais tout cela pour quoi ? Pour une grosse surprise qui, chargée d’expliquer les invraisemblances de l’histoire — pourquoi diable les Illuminati préviennent-ils tout le monde de ce qu’ils s’apprêtent à faire, et épargnent-ils le seul homme qui semble à même d’y mettre un terme, c’est-à-dire Langdon lui-même ? — en crée d’encore plus béantes et jette la totalité du scénario par terre, voire à la poubelle. C’est peu de dire que l’intrigue ne tient pas debout, je crois que même allongée elle est instable. Et tout habile qu’il soit, l’artisanat de Ron Howard, qui nous offre ce qu’on appellerait une agréable BD si on ne tenait les petits mickeys pour un art majeur, ne parvient pas à transcender cette donnée idiote qui se pare des oripeaux de l’érudition. Ce n’est pas Indiana Jones, quoi. Sans rien révéler de précis, disons que le plan du super-méchant tient à une série de coïncidences absolument gigantesques, et nécessite pour fonctionner que les interventions de Langdon soient minutées à douze secondes près, que la quantité d’antimatière soit connue au microgramme, et que la trajectoire aléatoire d’un parachute soit guidée par la main de Dieu.
Pour me venger de ne pouvoir tout dire, j’indiquerai deux détails particulièrement atterrants. Au début du film, pour rentrer dans la zone sécurisée où il pourra dérober l’antimatière, l’envoyé des Illuminati est obligé d’énucléer un scientifique, afin de passer la sécurité à reconnaissance rétinienne. L’ennui, c’est que ledit scientifique se trouvait lui-même dans la zone sécurisée, où l’assassin a dû rentrer pour pouvoir y trouver le moyen d’y rentrer. Vous me suivez ? Les scénaristes, eux, sont perdus. Enfin, gag ultime, ce bon Langdon, spécialiste de symboles en tous genres et notamment des Illuminati, a besoin du concours d’une accorte biologiste (qui se retrouve, ne me demandez pas pourquoi, à faire de la physique nucléaire) pour déchiffrer un texte en… latin.
Faut croire que les universités américaines sont surcotées, finalement
- BANDE ANNONCE
- FICHE TECHNIQUE
Titre original : Angels & demons
Durée : 2h18
Date de sortie : 13 mai 2009
Scénario : Akiva Goldsman, David Koepp
D’après le roman de : Dan Brown
Assistant réalisateur : William M. Connor, Inti Carboni
Production : John Caley, Brian Grazer, Ron Howard
Distribution des rôles : Janet Hirshenson, Jane Jenkins
Décors : Allan Cameron
Costumes : Daniel Orlandi
Photographie : Salvatore Totino
Son : Daniel Pagan
Montage : Daniel P. Hanley, Mike Hill
Effets visuels : Angus Bickerton, Mark Breakspear, Ryan Cook, Richard Higham, Richard Stammers
Musique : Hans Zimmer
- DISTRIBUTION
Le camerlingue Patrick McKenna : Ewan McGregor
Vittoria Vetra : Ayelet Zurer
Le commandant Richter : Stellan Skarsgård
L’inspecteur Olivetti : Pierfrancesco Favino
L’assassin : Nikolaj Lie Kaas
Le cardinal Straus : Armin Mueller-Stahl
Chartrand : Thure Lindhardt
Le père Siméon : Cosimo Fusco
Le cardinal Petrov : Elya Baskin
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