Harry Potter et le prince de sang-mêlé, de David Yates * *
A l’origine du film, le volume le plus faible de la saga romanesque de J.K. Rowling : Harry Potter et le prince de sang-mêlé est une sorte de veillée d’armes pour l’opéra furieux des Reliques de la mort, qui gagne à être considéré dans le contexte de l’ensemble du cycle. De nombreux chapitres y sont consacrés à préciser les forces en présence, les enjeux, les fondations passées de la guerre qui se prépare. David Yates l’adapte en donnant un bel aperçu de son talent, mais d’une façon qui reste bancale.
Plus personne ne peut ignorer (1) le retour de Lord Voldemort, et la prophétie qu’il a tenté de voler dans le Département des Mystères du Ministère de la Magie a révélé le rôle central que devait jouer Harry Potter pour l’empêcher de dominer le monde des sorciers. Une nouvelle année scolaire doit toutefois commencer à Poudlard ; et Dumbledore, qui semble affaibli, notamment par une étrange blessure à la main, commence à associer Harry à sa stratégie, en lui révélant un certain nombre de secrets concernant Voldemort. Parallèlement, le professeur Rogue, agent double — mais au service réel de qui ? — s’engage par un Vœu Inviolable à aider son élève Drago Malefoy à accomplir une tâche mystérieuse, qui lui a été confiée directement par Voldemort.
L’intrigue, on le voit, part dans plusieurs directions, qui se rejoindront ultimement en haut de la Tour d’Astronomie de l’école. Mais la tension pourrait manquer : d’un côté, Harry et Dumbledore collectent des renseignements ; de l’autre, Drago complote, et si Harry a repéré l’existence d’un complot, il est quelque peu impuissant à l’arrêter. A cela s’ajoute un troisième élément, l’évolution et la précision des relations affectives entre les personnages, qui semble avoir particulièrement intéressé David Yates.
Ici, une pause de réflexion. La franchise cinématographique Harry Potter est nécessairement inférieure aux romans de Joanne Rowling, parce qu’elle n’a pas d’auteur. Oh ! je suis persuadé que les décideurs de la Warner sont convaincus de l’être, et je ne me risquerai pas à jeter un pont sur un tel fossé culturel. Steve Kloves, le scénariste, a accompli un travail continu et plus personnel (seul le cinquième volet n’est pas de sa plume), mais les cinéastes qui se sont succédé l’ont parfois traité avec liberté. Et justement, David Yates est le quatrième homme à la caméra ; toutefois, engagé désormais jusqu’à la fin du cycle, il peut commencer à le marquer de sa personnalité de façon approfondie. Fin de la pause.
Dans Harry Potter et l’ordre du Phénix, Yates insistait sur les possibles lectures politiques de l’intrigue ; il n’abandonne pas cette piste, mais la concentre dans l’ouverture spectaculaire du film, où même si la décence hollywoodienne évite le bain de sang, les échos entre les attaques des Mangemorts et la crainte actuelle du terrorisme en Europe sont frappants.
Par la suite, le film frappe par l’attention portée à l’éducation sentimentale des jeunes héros, sur un ton nettement moins comique que dans les volets précédents, ce qui est d’ailleurs justifié par ce qu’on sait qu’il adviendra d’eux dans Les Reliques de la mort (hé hé). David Yates ralentit considérablement le rythme de la narration pour épouser l’inquiétude mélancolique de ces adolescents que la situation générale oblige à mûrir plus vite qu’il ne serait naturel. Il est d’ailleurs remarquable que le film réduise sérieusement l’ampleur spectaculaire du final du roman, et que si une scène d’action est rajoutée ex nihilo au milieu, elle est essentiellement l’occasion de présenter, en action, les relations entre Harry et Ginny, Lupin et Tonks, ou au sein de la famille Weasley.
Cette mélancolie, qui nous vaut des moments d’un naturel vraiment convaincant, s’inscrit dans un style général qui relève du film noir. L’équilibre entre joyeuse fantaisie et réalisme livide tourne en faveur de ce dernier, même au sein du monde des sorciers. Le talent de metteur en scène de Yates est évident dans les scènes à suspense, surtout les moins spectaculaires comme l’inspection de la maison de Slughorn ou le duel dans les toilettes, plus que dans celle de la grotte où la note épique est un peu forcée. Les décadrages, les compositions architecturales à la Piranèse, qui ne sont pas réservées à Poudlard, les jeux d’ombre ont une force picturale vraiment convaincante.
Pourquoi ne déliré-je pas alors ? Parce que, de temps en temps, Yates se rappelle qu’il travaille pour Hollywood, que la fraîcheur cède la place au cliché : des poncifs de jeu, une musique qui vient rendre solennelles des funérailles loufoques, un nouveau décor qui sent le déjà-vu… et puis un problème de rythme : Yates vient d’inventer le blockbuster dépressif. Beaucoup de très belles scènes ont le ton d’un lamento ; mais l’ensemble est construit comme un thriller classique qui, du coup, se traîne. Le cinéaste avait-il le final cut ? Je l’ignore mais, vu ce qu’il a filmé, il a coincé toute tentative de refaire le film dans son dos : il fallait tout refaire ou lui donner carte blanche. On dirait plutôt qu’il a eu des accès de timidité. On a affaire, peut-être pas à un grand, mais à un bon film malade : Yates a failli prendre le pouvoir, et a finalement choisi de remplir son contrat.
(1) Vous, si ? Bon, reprenez au début des cinq épisodes précédents, et revenez ensuite.
Titre original : Harry Potter and the half-blood prince
Durée : 2h33
Date de sortie : 15 juillet 2009
Scénario : Steve Kloves
D’après le roman de : Joanne K. Rowling
Assistant réalisateur : Jamie Christopher
Production : David Barron, David Heyman
Distribution des rôles : Fiona Weir
Décors : Stuart Craig
Costumes : Jany Temime
Photographie : Bruno Delbonnel
Son : Peter Burgis, James Mather
Montage : Mark Day
Effets visuels : Tim Alexander
Musique : Nicholas Hooper
Hermione Granger : Emma Watson
Ron Weasley : Rupert Grint
Ginny Weasley : Bonnie Wright
Albus Dumbledore : Michael Gambon
Padma Patil : Afshan Azad
Bellatrix Lestrange : Helena Bonham Carter
Argus Rusard : David Bradley
Horace Slughorn : Jim Broadbent
Lavande Brown : Jessie Cave
Parvati Patil : Shefali Chowdhury
Rubeus Hagrid : Robbie Coltrane
Filius Flitwick : Warwick Davis
Drago Malfoy : Tom Felton
Tom Jedusor enfant : Hero Fiennes-Tiffin
Madame Pomfresh : Gemma Jones
Neville Londubat : Matthew Lewis
Luna Lovegood : Evanna Lynch
Narcissa Malefoy : Helen McCrory
Fred Weasley : James Phelps
George Weasley : Oliver Phelps
Severus Rogue : Alan Rickman
Minerva McGonagall : Maggie Smith
Lily Evans Potter : Geraldine Somerville
Peter « Queudver » Pettigrew : Timothy Spall
Nymphadora Tonks : Natalia Tena
Remus Lupin : David Thewlis
Molly Weasley : Julie Walters
Arthur Weasley : Mark Williams
Plus personne ne peut ignorer (1) le retour de Lord Voldemort, et la prophétie qu’il a tenté de voler dans le Département des Mystères du Ministère de la Magie a révélé le rôle central que devait jouer Harry Potter pour l’empêcher de dominer le monde des sorciers. Une nouvelle année scolaire doit toutefois commencer à Poudlard ; et Dumbledore, qui semble affaibli, notamment par une étrange blessure à la main, commence à associer Harry à sa stratégie, en lui révélant un certain nombre de secrets concernant Voldemort. Parallèlement, le professeur Rogue, agent double — mais au service réel de qui ? — s’engage par un Vœu Inviolable à aider son élève Drago Malefoy à accomplir une tâche mystérieuse, qui lui a été confiée directement par Voldemort.
L’intrigue, on le voit, part dans plusieurs directions, qui se rejoindront ultimement en haut de la Tour d’Astronomie de l’école. Mais la tension pourrait manquer : d’un côté, Harry et Dumbledore collectent des renseignements ; de l’autre, Drago complote, et si Harry a repéré l’existence d’un complot, il est quelque peu impuissant à l’arrêter. A cela s’ajoute un troisième élément, l’évolution et la précision des relations affectives entre les personnages, qui semble avoir particulièrement intéressé David Yates.
Ici, une pause de réflexion. La franchise cinématographique Harry Potter est nécessairement inférieure aux romans de Joanne Rowling, parce qu’elle n’a pas d’auteur. Oh ! je suis persuadé que les décideurs de la Warner sont convaincus de l’être, et je ne me risquerai pas à jeter un pont sur un tel fossé culturel. Steve Kloves, le scénariste, a accompli un travail continu et plus personnel (seul le cinquième volet n’est pas de sa plume), mais les cinéastes qui se sont succédé l’ont parfois traité avec liberté. Et justement, David Yates est le quatrième homme à la caméra ; toutefois, engagé désormais jusqu’à la fin du cycle, il peut commencer à le marquer de sa personnalité de façon approfondie. Fin de la pause.
Dans Harry Potter et l’ordre du Phénix, Yates insistait sur les possibles lectures politiques de l’intrigue ; il n’abandonne pas cette piste, mais la concentre dans l’ouverture spectaculaire du film, où même si la décence hollywoodienne évite le bain de sang, les échos entre les attaques des Mangemorts et la crainte actuelle du terrorisme en Europe sont frappants.
Par la suite, le film frappe par l’attention portée à l’éducation sentimentale des jeunes héros, sur un ton nettement moins comique que dans les volets précédents, ce qui est d’ailleurs justifié par ce qu’on sait qu’il adviendra d’eux dans Les Reliques de la mort (hé hé). David Yates ralentit considérablement le rythme de la narration pour épouser l’inquiétude mélancolique de ces adolescents que la situation générale oblige à mûrir plus vite qu’il ne serait naturel. Il est d’ailleurs remarquable que le film réduise sérieusement l’ampleur spectaculaire du final du roman, et que si une scène d’action est rajoutée ex nihilo au milieu, elle est essentiellement l’occasion de présenter, en action, les relations entre Harry et Ginny, Lupin et Tonks, ou au sein de la famille Weasley.
Cette mélancolie, qui nous vaut des moments d’un naturel vraiment convaincant, s’inscrit dans un style général qui relève du film noir. L’équilibre entre joyeuse fantaisie et réalisme livide tourne en faveur de ce dernier, même au sein du monde des sorciers. Le talent de metteur en scène de Yates est évident dans les scènes à suspense, surtout les moins spectaculaires comme l’inspection de la maison de Slughorn ou le duel dans les toilettes, plus que dans celle de la grotte où la note épique est un peu forcée. Les décadrages, les compositions architecturales à la Piranèse, qui ne sont pas réservées à Poudlard, les jeux d’ombre ont une force picturale vraiment convaincante.
Pourquoi ne déliré-je pas alors ? Parce que, de temps en temps, Yates se rappelle qu’il travaille pour Hollywood, que la fraîcheur cède la place au cliché : des poncifs de jeu, une musique qui vient rendre solennelles des funérailles loufoques, un nouveau décor qui sent le déjà-vu… et puis un problème de rythme : Yates vient d’inventer le blockbuster dépressif. Beaucoup de très belles scènes ont le ton d’un lamento ; mais l’ensemble est construit comme un thriller classique qui, du coup, se traîne. Le cinéaste avait-il le final cut ? Je l’ignore mais, vu ce qu’il a filmé, il a coincé toute tentative de refaire le film dans son dos : il fallait tout refaire ou lui donner carte blanche. On dirait plutôt qu’il a eu des accès de timidité. On a affaire, peut-être pas à un grand, mais à un bon film malade : Yates a failli prendre le pouvoir, et a finalement choisi de remplir son contrat.
(1) Vous, si ? Bon, reprenez au début des cinq épisodes précédents, et revenez ensuite.
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- FICHE TECHNIQUE
Titre original : Harry Potter and the half-blood prince
Durée : 2h33
Date de sortie : 15 juillet 2009
Scénario : Steve Kloves
D’après le roman de : Joanne K. Rowling
Assistant réalisateur : Jamie Christopher
Production : David Barron, David Heyman
Distribution des rôles : Fiona Weir
Décors : Stuart Craig
Costumes : Jany Temime
Photographie : Bruno Delbonnel
Son : Peter Burgis, James Mather
Montage : Mark Day
Effets visuels : Tim Alexander
Musique : Nicholas Hooper
- DISTRIBUTION
Hermione Granger : Emma Watson
Ron Weasley : Rupert Grint
Ginny Weasley : Bonnie Wright
Albus Dumbledore : Michael Gambon
Padma Patil : Afshan Azad
Bellatrix Lestrange : Helena Bonham Carter
Argus Rusard : David Bradley
Horace Slughorn : Jim Broadbent
Lavande Brown : Jessie Cave
Parvati Patil : Shefali Chowdhury
Rubeus Hagrid : Robbie Coltrane
Filius Flitwick : Warwick Davis
Drago Malfoy : Tom Felton
Tom Jedusor enfant : Hero Fiennes-Tiffin
Madame Pomfresh : Gemma Jones
Neville Londubat : Matthew Lewis
Luna Lovegood : Evanna Lynch
Narcissa Malefoy : Helen McCrory
Fred Weasley : James Phelps
George Weasley : Oliver Phelps
Severus Rogue : Alan Rickman
Minerva McGonagall : Maggie Smith
Lily Evans Potter : Geraldine Somerville
Peter « Queudver » Pettigrew : Timothy Spall
Nymphadora Tonks : Natalia Tena
Remus Lupin : David Thewlis
Molly Weasley : Julie Walters
Arthur Weasley : Mark Williams
1 Commentaire
1 février 2016 à 14:26
Très très bel article, je l'ai lu avec grande joie. J'ai été suppri dès le debut par votre première phrase disant "le volume le plus petit de la sage"...
Finalement ce sera le tome que je préfère tant par son scénarion que par son casting !
Si vous voulez plus de vidéos concernant ce film je vous conseille d'aller voir les bandes annonces du film a voir.
Bonne journée a tous et encore merci pour tous ces articles
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