Superman returns, de Bryan Singer *

Toujours grand, beau, brun, volant, et vêtu de son multicolore justaucorps vintage, il sauve une métropole de la destruction programmée par un méchant chauve… Rien de neuf. Comment un cinéaste intéressant perd son âme en ne s’occupant que de parfaire une icône.

Jadis remarqué grâce à un second film intelligent, manipulateur, et assez langien, Usual suspects (il reste d’ailleurs ici quelques références élégantes à l’auteur de L’Invraisemblable vérité), Bryan Singer s’est depuis spécialisé dans le film de super-héros, puisqu’il a signé les deux premiers X-Men. Pourquoi pas ? Sam Raimi aux prises avec Spiderman, M. Night Shyamalan réfléchissant sur le genre dans Incassable, pour ne pas parler des deux Batman de Tim Burton, ont prouvé que l’entreprise pouvait être féconde aux mains d’un cinéaste intelligent.

Hélas, si dans Batman, le Joker se livrait à des attentats colorés contre les tableaux de maître du musée de Gotham, Bryan Singer, lui, semble voir dans le vernis l’essence même de l’art. Toute son attention, et celle de son complice de toujours, le monteur et musicien John Ottman (qui reprend ici sans trop de variations la partition que John Williams avait à peine décalquée de celle de La Guerre des étoiles), semble être concentrée sur la perfection technique de son film, le rendu des couleurs, l’enchaînement des mouvements, la variété des effets sonores…

Le résultat est atterrant. Tout le film, à l’instar des bureaux du Daily Planet où le désordre savant ne va pas jusqu’à tolérer la poussière, arbore le lissage hygiénique, irrespirable, du numérique. Pourtant interprété par un authentique être humain, Brandon Routh, Superman semble généralement composé de pixels, jusque dans la douceur du moindre de ses mouvements. Censé être la révélation du film, le malheureux acteur, transformé en son propre clone numérique (celui de Marlon Brando intervient d’ailleurs dans le film), évoque irrésistiblement le Gaston-latex. Singer s’intéresse sincèrement plus à la « franchise » Superman qu’à son film. Plusieurs plans semblent d’ailleurs anticiper sur les figurines que la Warner ne manquera pas de vendre aux petits enfants, et le scénario l’avoue sans trop d’ironie : Superman fait vendre. Traités de façon parodique, les méchants n’effraient guère. Seuls l’enfant et le nommé Brutus, dit « le gangster au piano », existent en tant que personnages.

Face à une démonstration technologique gagnée d’avance, le (petit) spectateur n’a plus qu’à constater, avec effarement, les béances d’un récit incohérent qui n’est ici que prétexte à figer le héros dans des poses évoquant les surhommes de Leni Riefenstahl. Ainsi, après avoir mis dans les mains de Lex Luthor de la kryptonite dont il parvient à saturer le sous-sol d’un ilôt artificiel, le scénariste, bien embêté (vu que normalement, dans cet environnement délétère pour lui, Superman ne peut plus accomplir d’exploits), et les bras ballants à la perspective de réécrire le début, se contente d’espérer que le public oubliera le fait. Aussi Superman, incapable de résister à un coup de poing sur l’îlot artificiel de Luthor, n’accomplira pas moins son plus grand exploit (du film) pour s’en débarrasser.

On peut se poser d’autres questions du même ordre.

Sur quels critères embauche-t-on des scénaristes capables de montrer des journalistes (dont un rédacteur en chef) incapables, devant l’indication « 40N 73W », de comprendre qu’ils sont face à une latitude et une longitude ?

Pourquoi diable Superman, qui survit dans le vide intersidéral, et qui n’a donc pas besoin de respirer (tout juste consent-il à grignoter vaguement à un moment pour nous persuader qu’il a un corps), est-il employé au Daily Planet sous le nom de Clark Kent ? Il n’exerce quasiment pas son métier, il ne glane aucune information utile, et ne semble guère préoccupé de son salaire. La seule raison semble sentimentale.

A ce sujet, quel est le satyre pervers qui a doté une Loïs Lane aussi jeunette d’une longue carrière et surtout d’un enfant de cet âge ? (Probablement le directeur du casting).

Comment se fait-il que la compagne de Lex Luthor se soucie tant d’avoir des vivres sur un îlot certes modeste mais fertile, alors que la question ne la taraudait pas sur un énorme bloc de rocher où seuls poussent les cristaux extraterrestres ? Et comment Luthor lui-même espère-t-il lotir (c’est plus ou moins ce qu’il explique à Loïs) un aussi invivable caillou ?

On arrêtera ici, par charité, une liste non exhaustive. O, que n’ai-je une muse de feu et l’esprit d’Excalibur Junior pour maudire en moins de mots cette croûte boursouflée !

Etienne Mahieux

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  • FICHE TECHNIQUE
Durée : 2h34
Date de sortie : 12 Juillet 2006
Pays : Etats-Unis / Australie
Réalisateur : Bryan Singer
Producteurs : Jon Peters, Bryan Singer et Gilbert Adler
Scénaristes : Michael Dougherty & Dan Harris
Producteurs excécutifs : Chris Lee ; Thomas Tull ; Scott Mednick
Directeur De La Photographie : Newton Thomas Sigel
Chef Décorateur : Guy Hendrix Dyas
Co-Monteur Et Compositeur : John Ottman
Chef Monteur : Elliot Graham
Chef Costumière : Louise Mingenbach
Distributeur : Warner Bros

  • DISTRIBUTION
Brandon Routh : Clark Kent
Kate Bosworth : Lois Lane
Kevin Spacey : Lex Luthor
James Marsden : Richard White
Eva Marie Saint : Martha Kent
Parker Posey : Kitty Kowalski
Kal Penn : Stanford
Sam Huntington : Jimmy Olsen
Frank Langella : Perry White

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