Michel Serrault (1928-2007)

La mort de Michel Serrault, le 29 juillet dernier, a beaucoup marqué, et fait de la peine à un grand nombre de cinéphiles : voici trois décennies, en effet, qu’il était reconnu à sa juste valeur : celle d’un immense acteur. Ce n’était pourtant, nous l’avons presque oublié, pas gagné d’avance.

Né dans ce qui n’était pas encore la grande banlieue parisienne, à Brunoy, Michel Serrault, qui fut toute sa vie un chrétien fervent (ce qui lui permit, déclara-t-il, de supporter la mort de sa fille Caroline dans un accident de la route, en 1977), envisagea, durant son adolescence, une vocation ecclésiastique, dont ses maîtres du petit séminaire surent le détourner pour notre plus grand plaisir. Après son apprentissage de comédien, il forme à partir de 1952 un duo avec Jean Poiret au cabaret puis au théâtre, parallèlement à sa participation à la troupe des Branquignols menée par Robert Dhéry, en compagnie de qui il fait sa première apparition au cinéma, en 1954, dans Ah ! les belles bacchantes ! Suivent des années de seconds rôles dans des films souvent de second ordre, le tout-venant de la comédie à l’exception d’Assassins et voleurs de Sacha Guitry, où le vieux maître mourant a l’audace de confier les rôles principaux à Poiret et Serrault, alors quasiment inconnus.

Petit à petit l’oiseau fait son nid : Serrault, qui travaille avec acharnement, devient un comédien populaire grâce aux dizaines de films parfois absolument navrants qu’il tourne dans les années 1960, souvent en compagnie de Poiret (nous avons largement expurgé sa filmographie en ne laissant que quelques échantillons). Petit à petit quelques compagnonnages s’esquissent, notamment avec Jean-Pierre Mocky (auquel il sera toujours fidèle). C’est au début des années 1970 qu’il devient une véritable vedette, grâce au Viager de son ami Pierre Tchernia, où il interprète (à quarante-quatre ans !) un vieux bonhomme increvable, et au triomphe absolu, au théâtre, de La Cage aux folles de son ami Jean Poiret, où il joue le travesti Zaza Napoli, contraint de se détravestir…

C’est à la fin des années 1970 que le talent de Michel Serrault explose, à la télévision dans d’adorables adaptations de Marcel Aymé dues à la caméra de Tchernia, au cinéma avec l’adaptation par Edouard Molinaro de La Cage aux folles, qui lui vaut son premier César du meilleur acteur, et enfin avec l’intuition admirable de Christian de Chalonge (L’Argent des autres) et de Bertrand Blier (Préparez vos mouchoirs et Buffet froid), qui ont su voir l’étrangeté troublante et la vérité humaine que Serrault apportait à ses rôles les plus clownesques. Pile ou face de Robert Enrico (1980) est son premier grand rôle sur le registre sérieux.

Suit une quinzaine d’années admirables, où Serrault brille de tous ses feux dans tous les registres qu’il a su aborder, des comédies délirantes de Jean Yanne aux rôles sombres et inquiétants que lui confient Claude Chabrol, Claude Miller (un deuxième César pour Garde à vue) ou Christian de Chalonge, en passant par les nuances et l’humour exigés par le rôle de Monsieur Arnaud, double autobiographique de Claude Sautet (troisième César) ou par celui du vieil amoureux de Joyeux Noël, bonne année ! de Luigi Comencini. Il obtient son plus grand succès critique personnel dans le rôle du Docteur Petiot, sous la direction de Christian de Chalonge. Dans ce qui est peut-être effectivement son meilleur rôle, Serrault allie la fantaisie carnavalesque qui convient au style expressionniste du cinéaste, et la sincérité familière, et donc terriblement inquiétante, qu’il donne au fameux tueur en série.

Les derniers rôles flamboyants arrivent en 1997, dans Artemisia d’Agnès Merlet, Rien ne va plus, retrouvailles sur le mode comique avec Claude Chabrol, ou le tueur sans scrupules d’Assassin(s) de Mathieu Kassovitz. Par la suite, Michel Serrault, au cinéma, interprètera plus souvent qu’à son tour des vieillards-bougons-au-grand-cœur, registre où il excellait, et qui lui a permis de soutenir de jeunes cinéastes, mais qui a fait regretter la diversité incroyable des années précédentes.

Etienne Mahieux

  • FILMOGRAPHIE SELECTIVE (acteur)

2007
Pars vite et reviens tard de Régis Wargnier
2006
Les Enfants du pays de Pierre Javaux
Le Bénévole de Jean-Pierre Mocky
2005
Joyeux Noël ! de Christian Carion
Grabuge ! de Jean-Pierre Mocky
2004
Ne quittez pas ! de Arthur Joffé
2003
L’Affaire Dominici de Pierre Boutron (TV)
Le Furet de Jean-Pierre Mocky
2002
24 heures de la vie d’une femme de Laurent Bouhnik
Le Papillon de Philippe Muyl
2001
Un cœur oublié de Philippe Monnier (TV)
Une hirondelle a fait le printemps de Christian Carion
Belphégor, le fantôme du Louvre de Jean-Paul Salomé
2000
Le Monde de Marty de Denis Bardiau
Les Acteurs de Bertrand Blier
Le Libertin de Gabriel Aghion
1999
Les Enfants du marais de Jean Becker
1997
Artemisia de Agnès Merlet
Le Comédien de Christian de Chalonge
Rien ne va plus de Claude Chabrol
Assassin(s) de Mathieu Kassovitz
1996
Beaumarchais l’insolent de Edouard Molinaro
1995
Nelly et M. Arnaud de Claude Sautet
Le Bonheur est dans le pré de Etienne Chatiliez
1994
Bonsoir de Jean-Pierre Mocky
1992
Vieille canaille de Gérard Jourd’hui
Room service de Georges Lautner
Ville à vendre de Jean-Pierre Mocky
1991
L’Huissier de Pierre Tchernia (TV)
Héloïse de Pierre Tchernia (TV)
La Vieille qui marchait dans la mer de Laurent Heynemann
1990
Docteur Petiot de Christian de Chalonge
1989
Joyeux Noël, Bonne Année ! de Luigi Comencini
Comédie d’amour de Jean-Pierre Rawson
1988
Bonjour l’angoisse de Pierre Tchernia
En toute innocence de Alain Jessua
Ne réveillez pas un flic qui dort de José Pinheiro
1987
Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky
Ennemis intimes de Denis Amar
1986
Mon beau-frère a tué ma sœur de Jacques Rouffio
1985
On ne meurt que deux fois de Jacques Deray
La Cage aux folles 3 — ‘Elles’ se marient de Georges Lautner
Liberté, égalité, choucroute ! de Jean Yanne
Les Rois du gags de Claude Zidi
1984
A mort l’arbitre de Jean-Pierre Mocky
Le Bon plaisir de Francis Girod
Le Bon roi Dagobert de Dino Risi
1983
Mortelle randonnée de Claude Miller
1982
Les Fantômes du chapelier de Claude Chabrol
Les Quarantièmes rugissants de Christian de Chalonge
Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ de Jean Yanne
1981
Malevil de Christian de Chalonge
Garde à vue de Claude Miller
1980
Pile ou face de Robert Enrico
La Cage aux folles II de Edouard Molinaro
1979
Buffet froid de Bertrand Blier
La Gueule de l’autre de Pierre Tchernia
1978
La Grâce de Pierre Tchernia (TV)
L’Argent des autres de Christian de Chalonge
La Cage aux folles de Edouard Molinaro
Préparez vos mouchoirs de Bertrand Blier
1977
Le Passe-muraille de Pierre Tchernia (TV)
Le Roi des bricoleurs de Jean-Pierre Mocky
1975
L’Ibis rouge de Jean-Pierre Mocky
Opération Lady Marlène de Robert Lamoureux
1974
Les Gaspards de Pierre Tchernia
La Main à couper d’Etienne Périer
Un linceul n’a pas de poches de Jean-Pierre Mocky
Les Chinois à Paris de Jean Yanne
1973
Moi y en a vouloir des sous de Jean Yanne
Le Grand bazar de Claude Zidi
1972
Le Viager de Pierre Tchernia
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil de Jean Yanne
Un meurtre est un meurtre de Etienne Périer
1970
Le Cri du cormoran, le soir au-dessus des jonques de Michel Audiard
La Liberté en croupe de Edouard Molinaro
1969
Mais qu’est-ce qui fait courir les crocodiles ? de Jacques Poitrenaud
Appelez-moi Mathilde de Pierre Mondy
1968
A tout casser de John Berry
1967
Les Compagnons de la Marguerite de Jean-Pierre Mocky 1966
Le Roi de cœur de Philippe de Broca
1965
Quand passent les faisans de Edouard Molinaro
La Bonne occase de Michel Drach
Cent briques et des tuiles de Pierre Grimblat
La Tête du client de Jacques Poitrenaud
Moi et les hommes de quarante ans de Jack Pinoteau
1964
La Chasse à l’homme de Edouard Molinaro
Jaloux comme un tigre de Darry Cowl
Des pissenlits par la racine de Georges Lautner
Les Durs à cuire, ou Comment supprimer son prochain sans perdre l’appétit de Jack Pinoteau
1963
Comment trouvez-vous ma sœur ?
de Michel Boisrond
Carambolages de Marcel Bluwal
Bébert et l’omnibus de Yves Robert
1962
La Gamberge de Norbert Carbonnaux
Le Repos du guerrier de Roger Vadim
Comment réussir en amour de Michel Boisrond
1961
La Belle américaine de Robert Dhéry et Pierre Tchernia
1960
Le Divorce de Christian-Jaque (sketch de La Française et l’amour)
Candide ou l’optimisme au XXe siècle de Norbert Carbonnaux
1959
Oh ! qué mambo ! de John Berry
Messieurs les ronds-de-cuir de Henri Diamant-Berger
1958
Musée Grévin de Jacques Demy (c.m.)
Le Naïf aux quarante enfants de Philippe Agostini
1957
Assassins et voleurs de Sacha Guitry
1956
La Vie est belle de Roger-Pierre et Jean-Marc Thibault
Cette sacrée gamine de Michel Boisrond
1954
Les Diaboliques de Henri-Georges Clouzot
Ah ! les belles bacchantes ! de Jean Loubignac

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