Le Placard, de Francis Veber * *

Petit employé modèle, gris, triste, sans personnalité, tête de turc de bonne volonté, François Pignon va se faire virer. Manifestement plus chamboulé qu’il n’en a l’air, il s’apprête à se foutre par la fenêtre lorsque son nouveau voisin, un truculent retraité, lui indique le moyen le plus sûr de garder son emploi : se faire passer pour homosexuel. Invirable pour cause de politiquement correct.

Le politiquement correct, donc, en prend une bonne dose dans la gueule avec Le Placard, sans que Francis Veber verse un seul instant dans l’homophobie, tout simplement parce qu’en dernier ressort Le Placard n’est pas du tout un film sur l’homosexualité, et n’est que superficiellement un film sur la mode gay et lesbienne.

Allons droit au fait : si Le Placard est nettement moins plan-plan sur le plan cinématographique que le peu inspiré Dîner de cons, il ne dépasse pas cependant le niveau de la bonne confection permettant aux acteurs de s’exprimer confortablement. Ce n’est déjà pas mal, car les qualités du film sont nettement mises en valeur.

La première tient à l’interprétation. Tout le monde est juste et drôle, et il faut mentionner deux prestations admirables : Daniel Auteuil tout d’abord, irremplaçable lorsqu’il s’agit d’attirer une attention permanente sur un personnage falot, et Michel Aumont, savoureux et profond dans le rôle du mentor.

La seconde tient au scénario. Fin ciseleur de mécaniques comiques, Francis Veber utilise avec métier la mécanique boulevardière au service de quelques retournements de clichés. Tout d’abord le piège que nous voulions lui voir éviter est évité : la mécanique pascalienne qui veut que la foi suive les gestes de la foi n’est pas appliquée. Pignon ne se découvre pas homo en faisant semblant de l’être, et son collègue Santini, qui pète les plombs, révèle un manque tragique d’affection mais certainement pas de tendances profondes. Qu’est-ce que j’aurais eu contre ce genre de rebondissements ? Ils auraient consacré le triomphe du politiquement correct et de l’actuel snobisme gay is beautiful, et la cohérence du film eût été détruite.

Ensuite un cliché qu’il a créé lui-même : celui du personnage con comme la lune jusqu’à la subversion. Désigné comme tel par son patronyme, François Pignon, héritier d’une longue série de personnages vébériens (1), se révèle en fait pas con du tout. Sa stupidité supposée consiste en l’occurrence à se plier sans combattre devant la moindre épreuve. A la fin du film, Pignon apparaît comme une espèce de saint stoïcien, qui humanise cependant son comportement en affirmant un peu plus sa personnalité ; mais il n’accède à une supposée normalité qu’après nous avoir fait mesurer l’envers de la médiocrité. Ce réel intérêt psychologique devrait valoir au Placard un triomphe prolongé.

(1) Quand ils s’appellent François Perrin, c’est déjà moins grave (Note du Spécialiste des Patronymes).

Cet article a paru pour la première fois dans Le Petit spectateur — papier n°91 (Novembre-décembre 2000 / Janvier 2001)

Etienne Mahieux


  • BANDE ANNONCE


  • FICHE TECHNIQUE
Pays : France
Durée : 1h24
Date de sortie : 17 janvier 2001
Scénario : Francis Veber
Assistant réalisateur : Bernard Seitz
Production : Patrice Ledoux, Alain Poiré
Décors : Hugues Tissandier
Photographie : Luciano Tovoli
Son : Bernard Bats
Montage : Georges Klotz
Musique : Vladimir Cosma

  • DISTRIBUTION
François Pignon : Daniel Auteuil
Félix Santini : Gérard Depardieu
Guillaume : Thierry Lhermitte
Mlle Bertrand : Michèle Laroque
M. Bellone : Michel Aumont
Le président Kopel : Jean Rochefort
Christine : Alexandra Vandernoot
Franck Pignon : Stanislas Crevillen
Ariane : Armelle Deutsch
Suzanne : Marianne Groves
Martine : Irina Ninova
Alba : Laurent Gamelon
Ponce : Vincent Moscato
Mme Santini : Michèle Garcia
Moreau : Luq Hamet

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1 Commentaire

Il est repassé récemment à la tévé, on a bien ri lors de la scène d'explication au restaurant entre François Pignon et sa femme. Auteuil est parfait !!! :o)

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