Quantum of solace, de Marc Forster °
Quand Casino Royale était sorti, reprenant presque à zéro la série des James Bond, Excalibur Junior (ou dois-je le nommer Eric Jaich) avait écrit sur cet écran qu’il se réjouissait de voir enfin « quelqu’un de vivant sur l’écran et pas un robot né pour tuer. » Hélas, avec Quantum of solace, le robot est de retour. Devant la caméra, et derrière.
Quantum of solace commence (paraît-il) une heure après la fin de Casino Royale. Je n’en sais rien moi-même car je n’ai toujours pas vu Casino Royale, oui j’ai honte, oui vous devriez plutôt aller voir ce que Roger Ebert pense du film, mais les scénaristes devraient avoir honte aussi car je ne suis certainement pas le seul et il faut accepter de ne pas tout comprendre si on n’a pas vu le volet précédent.
Petit à petit se dessine péniblement une intrigue indépendante : James Bond tente d’empêcher un magnat écolo-humanitaire, Dominic Greene, de privatiser les ressources en eau d’un pays qui vole des bras d’un dictateur à ceux d’un autre. La très maternelle M craint toutefois qu’il ne soit surtout motivé par la vengeance de sa bien-aimée Vesper Lynd, morte à la fin de Casino Royale après l’avoir trahi. Je n’en sais rien moi-même car à part les craintes de M. et les molles allusions de Bond qui font suite à ses tout aussi molles dénégations, je n’ai aucune raison particulière de le croire. Honte à moi, je n’ai pas vu Casino Royale. Les pinaillages entre les personnages pour savoir si Vesper était une vraie s……., une s…….. repentie ou carrément l’ange méconnu du beau James prennent donc pour moi une sorte de saveur absurde, puisque je suis le Rosencrantz (ou était-ce Guildenstern ?) de ce Hamlet monténégrin auquel je n’entrave que dalle.
En tout cas cette dette mortelle et amoureuse de Bond est l’une des explications du titre, qui signifie à peu près « un epsilon de consolation ». Comme ce n’est tout de même pas clair, le MI6 se découvre un nouvel ennemi : une organisation ultra-secrète, le Quantum, tellement ultra-secrète que les services britanniques viennent à peine de s’aviser de son existence (alors qu’on sait tout du Spectre depuis des décennies), mais dont les membres n’en portent pas moins un joli pin’s en forme de Q à côté de leur Légion d’Honneur. Des fois qu’on aurait du mal à les reconnaître.
Des fées talentueuses se sont penchées sur le berceau de ce Quantum of solace : les scénaristes de Casino Royale, dont le justement renommé Paul Haggis ; un directeur de casting qui a su proposer une distribution originale, avec Mathieu Amalric en très vilain méchant ; il est bien possible que Daniel Craig soit un grand acteur et le meilleur Bond depuis Sean Connery au moins ; je ne nie pas que les responsables des cascades ne les aient conçues avec tout leur amour ; mais je n’en sais rien moi-même car le film est tourné avec un hachoir à viande et monté avec un presse-purée de sorte que rien de leurs efforts n’est visible à l’écran.
On pouvait douter que Marc Forster soit l’homme de la situation, son expérience dans le domaine du film d’action étant maigre. Emule à l’occasion de David Fincher, il s’était surtout fait remarquer pour des films intelligents, assez littéraires, et un peu mous. Probablement conscient de ses handicaps, il s’est réfugié derrière une dynamisation excessive de l’action, qui finit par en détruire l’intérêt. Lorsque chaque plan d’une scène d’action dure moins d’une seconde, et que le décor change en permanence, on ne comprend rien : ni où sont les personnages, ni ce qu’ils font. Assommés par le bombardement, on se contente d’évaluer le résultat final. Cinéaste européen doté d’un fort surmoi culturel, Forster organise de plus systématiquement des montages parallèles permettant d’apprécier les beautés du pays traversé (comme par exemple le Palio delle Contrade de Sienne), mais généralement sans rapport avec l’action. Ajoutons que le film se compose en très grande partie de poursuites et autres fusillades, entourant quelques rares scènes dialoguées, lesquelles sont trop rapides pour exposer correctement la situation, voire codées jusqu’au théâtre de l’absurde, comme je l’ai dit, et l’on comprendra le désastre.
Et puis, ho, franchement… Lorsque le MI6 prive James Bond de ses cartes de crédit notamment pour l’empêcher de prendre l’avion, celui-ci n’en parcours pas moins plusieurs centaines de kilomètres comme une fleur pour aller retrouver René Mathis sur sa petite île. Alors qu’il est théoriquement un agent de renseignement, il est suffisamment peu professionnel pour abattre ses interlocuteurs avant de leur avoir posé la moindre question (il faut dire qu’Internet met ici les espions au chômage), et je suis incapable de dire lequel est le géologue dont on cite sans cesse le rapport. M, qui s’était fait enlever pour être sortie de son bureau dans Le Monde ne suffit pas, parcourt ici presque autant de kilomètres que Bond. Est-ce raisonnable de la part du chef du renseignement britannique, qui fait son rapport directement au Premier ministre ? Ou a-t-elle été placardisée sans qu’on nous en avertisse ? On n’a jamais cherché dans un James Bond une intrigue digne de Graham Greene ou de John LeCarré, mais il est difficile de franchir les limites du n’importe quoi sans dépasser les bornes. Cela en devient presque beau quand l’hôtel de la fin se met à exploser sans la moindre raison valable. Mais cela ne suffit pas pour faire de ce gros navet un nouveau Zabriskie Point. Il y a quelques beaux décors, un peu d’humour bienvenu autour du personnage de l’agent Fields. Le reste s’oublie très vite.
Durée : 1h47
Date de sortie : 31 octobre 2008
Scénario : Paul Haggis, Neal Purvis, Robert Wade
D’après le titre d’une nouvelle de : Ian Fleming
Assistant réalisateur : Michael Lerman
Production : Barbara Broccoli, Michael G. Wilson
Décors : Dennis Gassner
Photographie : Roberto Schaefer
Son : James Boyle, Martin Cantwell
Montage : Matt Chesse, Richard Pearson
Effets visuels : Angela Barson, Jon Thum, Alex Wuttke
Musique : David Arnold
Chanson : Alicia Keys, Jack White
Camille : Olga Kurylenko
Dominic Greene : Mathieu Amalric
M : Judi Dench
René Mathis : Giancarlo Giannini
« Strawberry » Fields : Gemma Arterton
Felix Leiter : Jeffrey Wright
Mr. White : Jesper Christensen
Tanner : Rory Kinnear
La réceptionniste : Oona Chaplin
Un pilote d’hélicoptère : Alfonso Cuarón
Une voix : Guillermo del Toro
Quantum of solace commence (paraît-il) une heure après la fin de Casino Royale. Je n’en sais rien moi-même car je n’ai toujours pas vu Casino Royale, oui j’ai honte, oui vous devriez plutôt aller voir ce que Roger Ebert pense du film, mais les scénaristes devraient avoir honte aussi car je ne suis certainement pas le seul et il faut accepter de ne pas tout comprendre si on n’a pas vu le volet précédent.
Petit à petit se dessine péniblement une intrigue indépendante : James Bond tente d’empêcher un magnat écolo-humanitaire, Dominic Greene, de privatiser les ressources en eau d’un pays qui vole des bras d’un dictateur à ceux d’un autre. La très maternelle M craint toutefois qu’il ne soit surtout motivé par la vengeance de sa bien-aimée Vesper Lynd, morte à la fin de Casino Royale après l’avoir trahi. Je n’en sais rien moi-même car à part les craintes de M. et les molles allusions de Bond qui font suite à ses tout aussi molles dénégations, je n’ai aucune raison particulière de le croire. Honte à moi, je n’ai pas vu Casino Royale. Les pinaillages entre les personnages pour savoir si Vesper était une vraie s……., une s…….. repentie ou carrément l’ange méconnu du beau James prennent donc pour moi une sorte de saveur absurde, puisque je suis le Rosencrantz (ou était-ce Guildenstern ?) de ce Hamlet monténégrin auquel je n’entrave que dalle.
En tout cas cette dette mortelle et amoureuse de Bond est l’une des explications du titre, qui signifie à peu près « un epsilon de consolation ». Comme ce n’est tout de même pas clair, le MI6 se découvre un nouvel ennemi : une organisation ultra-secrète, le Quantum, tellement ultra-secrète que les services britanniques viennent à peine de s’aviser de son existence (alors qu’on sait tout du Spectre depuis des décennies), mais dont les membres n’en portent pas moins un joli pin’s en forme de Q à côté de leur Légion d’Honneur. Des fois qu’on aurait du mal à les reconnaître.
Des fées talentueuses se sont penchées sur le berceau de ce Quantum of solace : les scénaristes de Casino Royale, dont le justement renommé Paul Haggis ; un directeur de casting qui a su proposer une distribution originale, avec Mathieu Amalric en très vilain méchant ; il est bien possible que Daniel Craig soit un grand acteur et le meilleur Bond depuis Sean Connery au moins ; je ne nie pas que les responsables des cascades ne les aient conçues avec tout leur amour ; mais je n’en sais rien moi-même car le film est tourné avec un hachoir à viande et monté avec un presse-purée de sorte que rien de leurs efforts n’est visible à l’écran.
On pouvait douter que Marc Forster soit l’homme de la situation, son expérience dans le domaine du film d’action étant maigre. Emule à l’occasion de David Fincher, il s’était surtout fait remarquer pour des films intelligents, assez littéraires, et un peu mous. Probablement conscient de ses handicaps, il s’est réfugié derrière une dynamisation excessive de l’action, qui finit par en détruire l’intérêt. Lorsque chaque plan d’une scène d’action dure moins d’une seconde, et que le décor change en permanence, on ne comprend rien : ni où sont les personnages, ni ce qu’ils font. Assommés par le bombardement, on se contente d’évaluer le résultat final. Cinéaste européen doté d’un fort surmoi culturel, Forster organise de plus systématiquement des montages parallèles permettant d’apprécier les beautés du pays traversé (comme par exemple le Palio delle Contrade de Sienne), mais généralement sans rapport avec l’action. Ajoutons que le film se compose en très grande partie de poursuites et autres fusillades, entourant quelques rares scènes dialoguées, lesquelles sont trop rapides pour exposer correctement la situation, voire codées jusqu’au théâtre de l’absurde, comme je l’ai dit, et l’on comprendra le désastre.
Et puis, ho, franchement… Lorsque le MI6 prive James Bond de ses cartes de crédit notamment pour l’empêcher de prendre l’avion, celui-ci n’en parcours pas moins plusieurs centaines de kilomètres comme une fleur pour aller retrouver René Mathis sur sa petite île. Alors qu’il est théoriquement un agent de renseignement, il est suffisamment peu professionnel pour abattre ses interlocuteurs avant de leur avoir posé la moindre question (il faut dire qu’Internet met ici les espions au chômage), et je suis incapable de dire lequel est le géologue dont on cite sans cesse le rapport. M, qui s’était fait enlever pour être sortie de son bureau dans Le Monde ne suffit pas, parcourt ici presque autant de kilomètres que Bond. Est-ce raisonnable de la part du chef du renseignement britannique, qui fait son rapport directement au Premier ministre ? Ou a-t-elle été placardisée sans qu’on nous en avertisse ? On n’a jamais cherché dans un James Bond une intrigue digne de Graham Greene ou de John LeCarré, mais il est difficile de franchir les limites du n’importe quoi sans dépasser les bornes. Cela en devient presque beau quand l’hôtel de la fin se met à exploser sans la moindre raison valable. Mais cela ne suffit pas pour faire de ce gros navet un nouveau Zabriskie Point. Il y a quelques beaux décors, un peu d’humour bienvenu autour du personnage de l’agent Fields. Le reste s’oublie très vite.
Etienne Mahieux
- BANDE ANNONCE
- FICHE TECHNIQUE
Durée : 1h47
Date de sortie : 31 octobre 2008
Scénario : Paul Haggis, Neal Purvis, Robert Wade
D’après le titre d’une nouvelle de : Ian Fleming
Assistant réalisateur : Michael Lerman
Production : Barbara Broccoli, Michael G. Wilson
Décors : Dennis Gassner
Photographie : Roberto Schaefer
Son : James Boyle, Martin Cantwell
Montage : Matt Chesse, Richard Pearson
Effets visuels : Angela Barson, Jon Thum, Alex Wuttke
Musique : David Arnold
Chanson : Alicia Keys, Jack White
- DISTRIBUTION
Camille : Olga Kurylenko
Dominic Greene : Mathieu Amalric
M : Judi Dench
René Mathis : Giancarlo Giannini
« Strawberry » Fields : Gemma Arterton
Felix Leiter : Jeffrey Wright
Mr. White : Jesper Christensen
Tanner : Rory Kinnear
La réceptionniste : Oona Chaplin
Un pilote d’hélicoptère : Alfonso Cuarón
Une voix : Guillermo del Toro
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